Coups de coeur

TitreAuteur-autriceRédacteurDate
A la rencontre d’Alexandra David-Neel. Une femme d’exception (1868-1969)Alexandra David-NeelL. Jouvenel13/8/2024
Son odeur après la pluieCédric Sapin-DufourL. Jouvenel13/8/2024
JAPON, TERRE DE CONTRASTES ET D’EMOTIONSJean-Pierre BonnetJean-Pierre Bonnet22/7/2024
Voyager dans les philosophies du mondeRoger-Pol DroitD. Zawadzki31/5/2024
ZAHRAHenri GougaudL. Jouvenel20/4/2024
ET LA LUMIERE FUTJacques LusseyranFrançoise Klein20/4/2024
Une vie bouleversée (suivi de Lettres de Westerbork)Etty HillesumJosselyne Lorin10/3/2024
AVEC LES FEESSylvain TessonD. Zawadzki9/3/2024
Aboulafia – la quête du kabbalisteGeorges LahyL. Jouvenel19/2/2024
Emergence du yogaT.K. SribhashyamC. Chaput15/01/2024
Thoreau, yogi des boisColette et Emilie PoggiD. Zawadzki15/1/2024
Maintenant que j’ai 50 ansBulbul SHARMAM. Andary15/01/2024
Message des hommes vrais au monde mutant Marlo MorganP. de Cazenove15/01/2024
Une histoire de transmissionT.K.V DesikacharD. Zawadzki22/12/2023
Notes de ma cabane dans les montsAntoine Marcel S. Kergoat10/12/2023
Le Livre du RienOshoS. Kergoat7/12/2023
Les MudrasSwami SaradanandaC. Chaput9/10/2023

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A la rencontre d’Alexandra David-Neel. Une femme d’exception (1868-1969)

Alexandra David-Neel, « la plus grande exploratrice du XX° siècle est une femme » et elle est française et il possible d’aller la rencontrer ou du moins d’aller sur ces traces, tout simplement à Digne les Bains (département des Alpes de Haute Provence) !

Par Lucile Jouvenel

Comme le dit si bien la 4ème de couverture de la bande dessinée “Une vie avec Alexandra David-Neel”, « la plus grande exploratrice du XX° siècle est une femme » et elle est française et il possible d’aller la rencontrer ou du moins d’aller sur ses traces, tout simplement à Digne les Bains (département des Alpes de Haute Provence) !

Elle nommait cette région son petit Tibet, elle, la 1ère européenne à avoir pénétrer et vécu au Tibet, et l’a choisi sur les conseils d’une agence immobilière de Marseille en raison de sa localisation aux confluents de réseaux de transport vers Nice et Marseille.

Alexandra David Néel s’y installe à 60 ans alors qu’elle est de retour d’un voyage en Asie de 14 ans (contre 18 mois prévu initialement) avec son guide tibétain Yongden qui deviendra son fils adoptif.

Son récit ” Voyage d’une parisienne à Lhassa ” l’a rendue célèbre. Ici : la 1ère édition :

Sa maison est maintenant en entrée de ville, les 15000 m2 de jardins initiaux ayant été acquis sciemment dans l’objectif de vendre des parcelles en cas de besoin pour financer ses voyages.

Tout comme la renommée de son ancienne propriétaire, la maison est discrètement indiquée. On y accède par un portail blanc comme on entrerait dans n’importe quelle maison. Le jardin pourtant happe très vite le long des escaliers qui guident le visiteur. Vient l’impression de rendre visite à une grande tante dans une atmosphère accueillante et bienveillante générée par les arbres, les fleurs, la tranquillité et la fraîcheur du site.

Le jardin dont il prenait soin, porte le nom de son fils adoptif décédé en 1955.

Les escaliers mènent à l’accueil du lieu qu’elle a légué à la Ville de Digne les Bains puis au musée dont il acquiert le statut en 2016.

Le musée parait petit mais il tire ses ressources de cette personnalité hors norme en plongeant le visiteur dans sa vie incroyable.

A mes yeux tout paraît extraordinaire dans cette existence qui se déroule au fil de mes pas :

  • une soif d’aventure et d’expériences d’ascèses dès son enfance,
  • un attrait précoce pour la spiritualité,
  • la rencontre de Grands de ce monde : Victor Hugo, Élisée Reclus, Annie Besant, Rabindranath Tagore, Gandhi, Aurobindo, le 13ème Dalaï lama, ….
  • une ténacité à l’apprentissage et la compréhension des sciences orientales,
  • une carrière de cantatrice,
  • un engagement féministe, anarchiste,
  • une aventurière téméraire,
  • et enfin, bien sûr une exploratrice intérieure.

Rappelons qu’à cette époque, les femmes ne sont pas indépendantes…

Puis vient la visite de la maison. Alexandra David Neel devient architecte et s’adonne à l’extension et la mise en œuvre de sa maison qu’elle appelle « Samten Dzong » (forteresse de la méditation).

Lorsque la porte s’ouvre, on pénètre dans un autre monde (les photos sont interdites), et malgré la fréquence actuelle des représentations orientalistes, je suis touchée par ce décor qui tranche avec l’extérieur de la maison totalement insérée dans le paysage local. Le ton est donné, la mise en scène opère comme l’a conçue Alexandra lorsqu’elle recevait les journalistes. Dans ce vestibule, deux grandes calligraphies chinoises qui lui rendent hommage « la connaissance s’écoute jusqu’en Europe » et « la recherche de la philosophie a engendré une femme héros ».

L’espace de la maison est assez étroit, les visites se font en groupe restreint gardant ainsi l’intimité d’un lieu. Et si ce n’est plus la maîtresse de maison qui orchestre ni sa dernière dame de compagnie (Marie Madeleine Peyronnet), la reconstitution des pièces m’invite à penser être attendue pour un thé.

Juste avant sa mort à 101 ans, Alexandra David Néel, venait de refaire son passeport portée par cet élan du voyage alors même que ses jambes ne la tenaient plus.

Qu’est-ce qui maintient finalement sinon l’idée d’être en mouvement….

Pour sa nécrologie, quelques photos de ses périples et une interview par Alexandre Desjardins dont une partie est reprise dans le film proposé en fin d’article.

Brève chronologie :

24 octobre 1868 naît à Saint-Mandé (à côté de Paris).

1888 à 20 ans, obtient un premier rôle de soprano

1893  à 25 ans, rencontre Jean Hautstont.

1894  à 26 ans, rencontre Élisée Reclus.

1990 à 32 ans, rédige un premier article dans La Fronde, journal écrit et géré par des femmes ; écrit « Pour la Vie » un texte anarchiste préfacé par Élisée Reclus. (1900)

1904 : à 36 ans, se marie en Tunisie avec Philippe Neel.

1911 : à 43 ans, départ pour le grand voyage

Inde 1, Sikkim 1, Népal, Inde 2, Sikkim 2,

En 1913 elle rencontre Aphur Yongden qui a 13 ans, compagnon de tous ses voyages,

En 1914, elle devient la disciple du gomchen de Lachen qui l’initie au bouddhisme tantrique.

Passage en Birmanie, escales en Malaisie, Singapour, Hong Kong et Shangaï, arrivée au Japon, puis Corée, Tibet oriental

Le 28 janvier 1924 à 55 ans, arrive à Lhassa.

1925 à 57 ans elle revient en Europe après 14 ans de voyage.

1927 publication de Voyage d’une parisienne à Lhassa.

1928 : elle achète sa maison de Digne en son nom.

1929, elle adopte Aphur Yongden (Albert Aphur Yongden David).

1937 à 1946 : Chine (en pleine guerre civile)

1955 : mort de Yongden, alors qu’il a 56 ans.

1957 : à 89 ans, envisage de repartir en Asie.

A 100 ans 9 mois et 8 jours s’éteint à Digne le 8 septembre 1969

Bien sûr, j’ai vécu cette visite déjà conquise par la personnalité d’Alexandra et en totale conscience de ma subjectivité. Je ne perds pas de vue ses effets de communication ni son fichu caractère ni même les diverses réinterprétations de préceptes mais je plonge délicieusement dans le mythe de cette femme qui a traversé le XXème siècle bouleversé par les innovations et les changements de tous ordres, multiplié les expériences et fait preuve de grandes audaces, l’Alexandra David Neel, « lampe de sagesse », « femme aux semelles de vent ».

Quelques citations d’Alexandra David Neel :

« A l’origine de toute connaissance, il y a la curiosité, elle est la condition essentielle. »

« J’ai le mal du pays pour un pays qui n’est pas le mien » (elle parle du Tibet)

« Ce n’est pas le but qui compte, mais le chemin qui y mène. »

“ Négligez les petites choses sous prétexte qu’on voudrait en faire des grandes, c’est l’excuse des lâches. ”

« Choisissez une étoile, ne la quittez pas des yeux. Elle vous fera avancer loin, sans fatigue et sans peine »

« Une fois en route, tout se simplifie. »

” Le jour où l’on renonce à manger du poulet c’est qu’on y tient plus beaucoup ou que l’on préfère à la saveur du poulet, celle des principes au nom desquels on y renonce.” Vérité absolue. Et tout l’enseignement du Bouddha est là. Il n’a jamais demandé aux gens […], de se mutiler moralement ou physiquement par la renonciation. Il leur a simplement dit de regarder, d’analyser, de se rendre compte de la valeur des choses et de se décider ensuite. Le bouddhiste ne renonce qu’à ce à quoi il ne tient plus parce qu’il en a mesuré le vide, le néant.”

« Il n’est d’autres enfers ou d’autres paradis, point d’autres dieux protecteurs ou terribles que ceux que nous créons ; pas d’autres bénédictions que celle que nous nous conférons nous-mêmes. »

Ce film retrace son voyage jusqu’à Lhassa :

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Son odeur après la pluie. Cédric Sapin-Dufour

Ce livre est arrivé à moi suite au décès de mon chien Jedi, et mon premier réflexe a été de le laisser de côté. Puis, enfin, une lecture d’été, qui m’a beaucoup surprise.

Le coup de coeur de Lucile Jouvenel.

Ce livre est arrivé à moi suite au décès de mon chien Jedi, et mon premier réflexe a été de le laisser de côté.

Puis, enfin, une lecture d’été, qui m’a beaucoup surprise.

L’histoire, comme le dit la 4ème de couverture : « c’est l’histoire d’amour, de vie et de mort entre un homme et son chien », qui a duré 13 ans.

Ce qui est primordial dans le texte, c’est avant tout leur lien. C’est là que tout se joue. Et c’est bien ce jeu des émotions et cette clarté de relation qui rend cette lecture précieuse car elle devient un support de réflexion sur les lieux et les situations de vie, ouvrant ainsi à un champ plus vaste.

Liberté :

« Pour pénétrer dans la propriété, on passe deux piliers en pierre à tête de lion qu’aucun portail ne rejoint, un jour peut-être. Autour des piliers, pas davantage de clôture, ici on vit à l’air libre mais on rêve de domaine ».

L’évolution de l’espèce et le Vivre ensemble :

« Ils (les chiens) n’ont en commun que d’être des Canis lupus familiaris, descendant du même et seul loup gris. Le temps a fait son œuvre des fantaisies morphologiques et des aiguillages d’humeur, il a conçu des petits pour explorer des galeries, des endurants pour courir les gibiers, des palmés pour sauver des noyers, des doux pour guider les aveugles et des sans autres tâches que de faire partie du monde, ces essentiels inutiles. Toutes les ethnies semblent allègement cohabiter. Pourquoi nous les hommes issus du même singe avons-nous été d’un monomorphisme aussi confondant jusqu’à percevoir dans la moindre nuance de mélanine une distinction radicale et la plus haïssable qui soit ? Aux jeux de la taxonomie, nous n’avons pas hérité de la plus indulgente des cases. Qu’il doit être plaisant de vivre au milieu de mille singularités visibles, l’on se mettrait alors en quête de plus grand qui se nomme l’humanité, notre étoile ou un autre de ces tout qui rallient. Au lieu de cela, nous ressemblant trop, nous préférons nous attacher à ce qui nous désunit. »

Le fonctionnement humain (tout et son contraire) :

« (…) mais les certitudes sont comme les aigrettes du pissenlit : elles s’agrègent en un tout cohérent, et au premier souffle des heureuses perspectives elles s’envolent ».

« (…) en quelques secondes, des heures et des jours de résolution à ne pas céder se transforment en la certitude du contraire. On le sait, s’acharner à se convaincre c’est se préparer à ne plus y croire ».

« En regagnant le van, je ris beaucoup d’avoir cédé et j’en suis, je crois, un petit peu fier. Car si les êtres déterminés ont mon admiration, j’ai pour ceux qui errent un indécrottable petit faible. »

La leçon d’un autre fonctionnement face à soi :

« Il s’enferme joyeusement dans chaque instant que lui offre la vie, épris follement du présent, hermétique à tout le reste puis, à la moindre occasion et sans l’annoncer, il accepte tout aussi volontiers d’en sortir et que sa vie prenne une autre direction que celle envisagée la seconde précédente. D’apothéose du moment en apothéose du suivant, il va, le calcul ne semble avoir aucune place, ne règne que la joie simple et opiniâtre d’exister. (…) c’est réapprendre qu’une heure est faite de soixante minutes valant chacune d’être considérée, s’octroyer le droit de papillonner de l’une à l’autre, se rendre saisissable à la surprise, à l’incertitude, ces sources inépuisables d’espérance. »

Et encore l’impact des relations sur une vie, le déterminisme, la notion de temps, l’attention, le dévouement, l’acceptation, les soutiens, l’intuition, la présence, l’amitié, les choix…

Rien de moins que la Vie est là.

La vie qui interpelle, qui nous met face à nous-même, qui nous dévoile dans le regard les uns des autres.

Ce récit c’est la mise à nu du vivant par l’œil de l’amour, et ce, jusque vers la mort.

Il y miroite l’intimité du parcours vers soi.

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JAPON, TERRE DE CONTRASTES ET D’EMOTIONS

Il y a tellement de choses à voir dans ce pays, que choisir où aller pour s’imprégner au mieux de la culture Japonaise n’est pas chose facile. Mon choix, au final : la région du Kansai et une préférence pour les villes de Osaka, Kyoto, Kobe et Nara.

Jean Pierre Bonnet

Rassurez-vous, je ne vais pas vous proposer un circuit touristique pour visiter le Japon (le ” Routard ” et d’autres le font déjà très bien), mais plutôt vous partager quelques unes des impressions ressenties pendant mes quinze jours de voyage.

Il y a tellement de choses à voir dans ce pays, que choisir où aller pour s’imprégner au mieux de la culture Japonaise n’est pas chose facile.

Mon choix, au final : la région du Kansai et une préférence pour les villes de Osaka, Kyoto, Kobe et Nara.

Lorsque je pose enfin les pieds sur le sol Japonais, mon premier ressenti est… une grande lourdeur au niveau des jambes. Non, ce n’est pas le sol qui propage des ondes mystérieuses, mais simplement la conséquence de quatorze heures de vol. J’en conviens, ce n’est pas très exotique comme sensation, mais elle est cependant bien réelle.

Première étape : le mont Koya (Koyasan) au sud-est d’Osaka, et, selon certains, la montagne la plus sacrée du pays. Je comprends assez rapidement pourquoi. Plus de 100 temples couvrent la montagne. C’est un lieu paisible entouré de forêt. Respirer la bonne odeur des cèdres, pins et cyprès est un véritable plaisir.

Je me souviens avoir fermé les yeux pour vivre pleinement ce moment si… particulier.

J’ai eu la chance de pouvoir réserver la première nuit dans un des quelques temples qui accueille des voyageurs. Un vrai temple avec des vrais moines.

En pénétrant dans cet endroit, j’ai vraiment eu l’impression de basculer dans un autre monde, et, surtout, dans un autre siècle. Les moines en tenue traditionnelle, les planchers en bois, les tatamis, les shoji (portes coulissantes en papier blanc translucide) et le jardin zen. Tout est là !

Soirée assez magique avec repas végétarien typique, servi sur table basse (très basse!). Et bain chaud japonais à plus de 40 degrés. Humm !

Moins magique, la nuit glaciale sur futon et couette trop courte. Pas grave ! Le lendemain matin, à 6h30, j’ai été récompensé, et je me suis senti privilégié de pouvoir assister à la prière bouddhique, avec récitation de mantras et cérémonie du feu (vœux écrits sur une plaquette en bois et déposés dans les flammes pour qu’ils se réalisent). C’était MAGNIFIQUE.

Le printemps n’est pas encore là, le soleil non plus. Il fait très froid à 900 m d’altitude.

Il est 10 h. Les touristes ne sont pas encore arrivés. C’est le moment idéal pour déambuler dans l’immense cimetière “Okunoin”. L’endroit est calme et mystérieux, avec ses 200 000 pierres tombales et lanternes, datant pour les plus anciennes du XIe siècle. Elles sont protégées par une dense forêt de cèdres multicentenaires. Tous mes sens sont en éveil. En quelques secondes, mon imaginaire me transporte en l’an 1000 et des funérailles de samouraï se déroulent à mes pieds.

Changement de lieu, changement d’ambiance, me voilà à Osaka, la ville aux 800 ponts.

Ce qui m’a surpris, dans un premier temps, c’est le calme de la rue malgré les voitures, les vélos, les passants. Pas un coup de klaxon, pas un éclat de voix. Respect mutuel, le buste régulièrement incliné vers l’avant. Ce n’est donc pas une légende, les japonais se serrent peu la main mais se saluent beaucoup.

Les touristes affluent dans le quartier de Dotonbori, très vivant et très lumineux la nuit. Je m’y sens étrangement bien, moi qui fuis habituellement ces endroits surpeuplés. Je me laisse porter par le flot humain et guider par les bonnes odeurs de nourriture.

Justement, parlons-en ! Voilà quelque chose d’assez fabuleux dans ce pays. On peut manger de tout, tout le temps, partout et pas cher. La difficulté n’est donc pas de trouver mais de choisir.

Soupes diverses et variées (ramen, udon) avec ou sans nouilles ; omelettes ; légumes et poissons frits (tempura) ; nouilles au sarrasin (soba) ; raviolis à la vapeur (gyosa) ; beignets ronds de poulpes ou crevettes (takoyaki) ; brochettes de viandes ou d’abats (yakitori), sans oublier, bien sûr, les sushis, goûteux et généreusement garnis. La liste n’est évidement pas exhaustive.

Je comprends, ça vous met l’eau à la bouche, ou le thé si vous préférez ! J’ai d’ailleurs régulièrement accompagné mes repas de thé Matcha (thé vert en poudre).

La nourriture nippone, riche et raffinée, mériterait à elle seule tout un article. Là aussi, de très bons et beaux livres se trouvent en nombre sur les étals des libraires.

En déambulant dans les rues d’Osaka, je prends conscience de l’influence de la culture sur le fonctionnement urbain et l’attitude de ses habitants. Les rues sont très propres. Il est interdit de fumer dans les rues et les espaces publics (passible d’amendes), mais, étrangement, la tolérance est de mise dans les restaurants dont certains sont équipés de box ” spécial fumeurs “. Les moindres travaux sont encadrés par des employés, bâton lumineux à la main et sourire aux lèvres, pour aiguiller le passant vers le chemin à suivre. Sur le sol de toutes les rues principales, des rainures guident les non-voyants, et des avertisseurs sonores aux chants d’oiseaux leur annoncent que le feux est vert pour eux.

Au fait, à moins d’avoir un sens inné de l’orientation, mieux vaut ne pas oublier son téléphone en mode GPS. À Osaka, les noms des rues ne sont écrits qu’en japonais. Se diriger avec un plan papier, à l’ancienne, est peine perdue. En même temps, les habitants, qui parlent de plus en plus anglais, sont prêts à se mettre en quatre pour vous aider. Et ça fait chaud au cœur !

Mais le Japon ne serait pas le Japon sans ses temples et sanctuaires qui parsèment les villes. C’est vrai à Osaka, mais ça l’est encore davantage à Kyoto, la capitale culturelle, où quelques deux mille édifices religieux ont été recensés.

De toutes tailles et de formes variées, bordés, la plupart du temps, de jardins aux arbres magnifiquement taillés en nuage. Une véritable tradition ici !

On peut aussi se laisser captiver par les fameux jardins “zen”. Parfois “secs”, composés de sable, graviers, rochers et mousses. Ils semblent dépouillés et sont pourtant chargés de symbolismes. Ils appellent à la contemplation et à la méditation, ” pas à pas “.

Le temple bouddhique “pavillon d’or” (Kinkakuji) est mon préféré. Il est recouvert d’or pur. Une véritable merveille qui se reflète sur la surface du petit étang qui l’entoure.

Temple Pavillon d’or

J’ai également beaucoup aimé le Kiyomizu-dera . Très imposant, construit sur des pilotis de dix-huit mètres de haut. Son immense terrasse est l’endroit idéal pour admirer le coucher de soleil sur la ville. Tel que je l’écris, vous pourriez imaginer que je suis seul à regarder le “soleil couchant” au pays du “soleil levant”… Que nenni ! J’ai dû jouer des coudes pour accéder à la rambarde. Nous sommes des centaines à avoir eu la même idée. C’est le jeu ! Je ne regrette rien.

Un lieu très populaire également, et qui m’a particulièrement marqué, se situe à Fushimi Inari. Un chemin de dix mille Torii (portails traditionnels shintoïste de couleur orangée), espacés d’environ cinquante centimètres les uns des autres, sillonne la montagne et demande aux pèlerins deux bonnes heures de marche pour le parcourir.

Torii

Au bout d’une heure, le touriste se fait plus rare. J’apprécie alors le calme, le chant des oiseaux dans la forêt dense, et la brume qui danse au milieu des Torii.

Ces portails sont des dons faits à Inari, déesse du riz. Je célèbre ce moment et remercie tous les donateurs qui ont permis à cet endroit unique d’exister.

Le retour au centre de Kyoto contraste fortement avec ce que je viens de voir. Une pause s’impose, avec une boisson chaude et une pâtisserie (chut !!!). Pourquoi pas un café ? Les japonais en sont de grands amateurs. De nombreux torréfacteurs sont installés en ville. Mes narines sont régulièrement titillées par les bonnes odeurs aux notes complexes et subtiles qui s’échappent des cafés…

Je tenais absolument à voir le fameux quartier du Gion, le quartier des Geishas. Elle s’y déplacent à petits pas dans leur tenues traditionnelles. Elles vivent dans des maisons typiques, en bois, souvent bordées d’une rivière. Là encore, le contraste entre modernité et tradition est saisissant.

Souvent confondues à tort avec des courtisanes, elles sont expertes dans les arts traditionnels japonais. Je pense évidement à la cérémonie du thé, qui requiert une parfaite maîtrise des codes et des gestes.

Il se dégage des ruelles, un charme d’antan qui laisse imaginer l’ambiance qui pouvait y régner aux siècles passés. Je suis toujours un peu impressionné de découvrir dans le réel, des personnages et des lieux que l’on voit habituellement dans des films ou reportages.

Mais une image me fait sourire. Celle d’une geisha, visage fardé de blanc, dans son kimono coloré, et… son téléphone portable à la main. Comme quoi, au Japon, la technologie n’est jamais très loin.

Le ciel s’assombrit sur Kyoto, et la pluie se met à tomber. Il pleut beaucoup dans cette région. Les nombreuses rues commerçantes sont couvertes, et les trottoirs des avenues principales le sont également. Ici, tout est pensé “parapluie”. Vous en trouvez absolument partout. Il existe même des parkings à parapluies qui se ferment à clé. Si, si ! Et là où il n’y a pas de quoi le “garer”, des systèmes d’emballage (le plus souvent dans les grands magasins et centres commerciaux) permettent de le protéger. La fine protection en plastique évite que le “pépin” dégoulinant ne crée des ennuis.

Les grandes stations de métro et de trains sont une bonne façon d’échapper aux averses. Boutiques et lieux de restauration, bien sûr, ne manquent pas.

Les japonais adorent les trains ! Lorsque l’on a compris le fonctionnement des différentes lignes et des nombreux pass existants, il est facile de se déplacer. Avec les trains de type RER, grandes lignes, ou rapides comme le SHINKENSEN (TGV japonais), on peut aller quasiment partout. Certains sont très colorés, d’autres luxueux. Et dans tous les cas, toujours à l’heure !!!

De temps en temps, un contrôleur-qui-ne-contrôle-pas, se déplace d’un coté à l’autre de la rame, se retourne et s’incline devant l’ensemble des passagers. Comme pour leur souhaiter ” bon voyage ” ! Étrange et amusant ballet pour un œil non averti.

C’est donc en train, vous l’aurez deviné, que je me rends à Kobe, la porte des esprits. Ville mondialement réputée pour ses bœufs et leur viande labellisée. Elle est marbrée de blanc (de la bonne graisse paraît-il), fondante, au léger goût de noisette… Bref ! Délicieuse en steak ou en brochettes.

Le secret ? Les bœufs sont choyés. Aucun stress. Herbe riche, massés au saké régulièrement. Et je me demande même s’ils n’écoutent pas de la musique classique. Si je ne devais pas finir dans une assiette, je me réincarnerais bien dans un bœuf de Kobe.

Petit déplacement, en bus cette fois-ci, pour cheminer vers le mont Rokko qui domine la ville. A ses pieds, la station thermale de Arima Onsen. Elle est une des trois plus anciennes sources d’eau chaude du Japon. L’eau bienfaisante est partout. Les vapeurs qui se dégagent de chaque caniveau offrent à ces lieux une ambiance assez mystérieuse.

Dans la rue qui longe un onsen public, une sorte de pédiluve d’eau à plus de quarante degrés, détend les orteils des passants et randonneurs. Quel plaisir (j’allais dire “quel pied”) de tremper ses jambes dans cette eau brune, riche en fer et en sel. Et quel contraste entre la neige qui tombe à gros flocons et la chaleur de la source. J’adore !!!

Pour la dernière étape de mon séjour, j’ai choisi la ville de Nara. Petite par sa taille mais grande par son histoire. Ancienne capitale et berceau de la civilisation de l’empire du soleil levant, de la religion, des arts et de l’artisanat.

Le premier temple bouddhiste fut construit ici même. Mais lorsque l’on arrive au centre ville, c’est la présence de nombreux daims en liberté qui capte mon attention. Considérés comme des messagers des dieux, ils sont vénérés par les boudhistes. Peu farouches, ces animaux sont habitués à la présence de l’homme, et surtout, attirés par les galettes de riz qu’on leur tend. Vendues au abords des parcs, c’est la seule nourriture autorisée pour préserver leur santé.

Pour réclamer leur friandise, les moines ont appris aux daims à hocher la tête. Comment rester insensible à cette marque de respect, bien motivée, je l’admet, par la galette.

Nara est aussi la ville du thé, mais je ne m’attendais pas à une telle diversité ! Du thé vert en poudre (matcha) que j’ai déjà évoqué, du thé vert parfois mélangé à du riz grillé pour accompagner les plats de poisson, du Gyokuro, thé vert de grande qualité, dont les plans sont couverts les trois dernières semaines pour favoriser la production de caféine. Il a un goût fin, subtil, sucré. Il est servi en général au petit déjeuner. Et tant d’autres encore… Ils ont tous une odeur différente, plus ou moins raffinée.

Impossible de rentrer en France sans quelques boites. Juste pour le plaisir de prolonger le plaisir !

Je voudrais aborder maintenant le sujet le plus sensible du voyage : le Sakura ! Traduisez, la floraison des cerisiers, tellement connue à travers le monde. Pourquoi sensible ? Parce que ça devait être la “cerise” sur le gâteau du voyage (petite précision, les cerisiers japonais ne font pas de fruits).

La plupart des touristes choisissent d’ailleurs cette période de fin mai début avril pour visiter ce pays. Les calendriers spécialisés nous annonçaient la floraison pour la dernière semaine du mois de mai… mais la pluie et le froid en ont décidé autrement. Seuls les pruniers, en avance sur leur congénères à fleurs, se sont révélés un régal pour mes yeux.

Le mont Yoshino et sa colline aux trente mille cerisiers est restée verte et brune.

Mais le temple shintoïste Mikumari, que je découvre, caché et perdu au milieu de la forêt de cèdres, me met du baume au cœur. C’est un temple étonnant, différent. Tout en bois, très arboré, très authentique, avec cette impression que rien n’a bougé depuis plus de mille ans. Si un samouraï avait surgi, katana à la main, je n’aurais pas été surpris. Enfin… pas trop !

Déçu ? Peut-être un peu quand même. Mais, malgré les aléas du climat, j’ai vécu tellement de moments magnifiques ! Alors oui ! Le Japon est bien cette ” terre de contrastes et d’émotions ” que je rêvais de découvrir. Ce pays restera à jamais gravé dans ma mémoire.

Jean-Pierre Bonnet

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Voyager dans les philosophies du monde, Roger-Pol Droit

Le temps serait une illusion sans importance, sans consistance, et même sans intérêt.Tout ce qui compte vraiment se joue ailleurs, sans lui. Hors du temps se tiennent l’Absolu, le soi. La vraie Vie.

Le coup de coeur de Didier Zawadzki

Roger-Pol Droit, Philosophe et grand pédagogue nous propose de voyager dans les philosophies du monde : Inde, Chine, Bouddhistes Tibétains ou Japonais, penseurs juifs ou arabe-musulmans. Le premier voyage auquel il nous convie, nous emmène en Inde.

« Voyager, c’est penser autrement » proclame t’il. Il nous fait prendre conscience des préjugés, pré- supposés occidentaux, hérités des Grecs, qui nous bloquent pour appréhender la pensée indienne, entre autres.

En Occident, tout serait clair et net, la logique étant le seul outil sérieux de pensée possible. Mais la philosophie rien-que Grecque est un mythe. Après avoir fait cette mise au point, Roger-Pol Droit, dans le chapitre consacré à l’Inde, nous fait découvrir que le temps est appréhendé d’une façon radicalement différente en Occident et en Inde, ce qui entraîne dans la pensée des répercussions nombreuses et profondes.

Le temps indien est gigantesque et cyclique, et constitue une prison imaginaire de laquelle il faut se libérer, peu importe le nombre de réincarnations.

« Le temps serait une illusion sans importance, sans consistance, et même sans intérêt.Tout ce qui compte vraiment se joue ailleurs, sans lui. Hors du temps se tiennent l’Absolu, le soi. La vraie Vie. ». Se libérer du temps, c’est rejoindre un espace de partage avec l’univers et tous les être vivants.

Quelle différence radicale avec la compréhension occidentale du temps, si important qu’il faut l’occuper le plus densément possible. Dans une seule vie d’être humain il s’agit selon la pensée occidentale de gagner le paradis, le purgatoire ou l’enfer. Pour soi.

Roger-Pol Droit nous fait un historique de la construction de la pensée indienne, évoluant avec les débats philosophiques entre les « orthodoxes » Brahmanes et les « hérétiques » Boudhistes et place dans une perpective temporelle les Védas, les Upanishad, les 6 écoles « orthodoxes » du brahmanisme (dont Yoga et Samkhya).

Ce livre m’a passionné et fait réfléchir en portant un éclairage sur la toile de fond du Yoga en Inde et en quoi son émergence est liée à la pensée indienne.

Un bon livre pour l’été.

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ZAHRA. Conte.

Autrefois fut en Arabie un roi nommé Shams le Paisible. Il était père d’une fille au rire simple et bienfaisant comme une source de la vie, au regard sans cesse espérant, un nom aimé du vent : Zahra.

Conte tiré du livre: L’amour foudre, Henri Gougaud, © Editions du Seuil, 2003/ © Editions Points, 2007

Conte proposé par Lucile Jouvenel qui remercie Henri Gougaud et la maison d’édition “Editions du Seuil” de nous autoriser à reproduire ce conte pour une durée de 3 ans. Tout copier/coller est interdit.

Autrefois fut en Arabie un roi nommé Shams le Paisible. Il était père d’une fille au rire simple et bienfaisant comme une source de la vie, au regard sans cesse espérant, un nom aimé du vent : Zahra.

Shams, au matin de chaque jour, baisait son front en chantonnant (c’était sa prière de l’aube) :

  • “Trois bontés chassent le chagrin : le vin, mes rosiers et Zahra, que Dieu la garde de tout mal !”

Et tous rendaient les mêmes grâces, autour de lui, en chœur joyeux.

Elle était belle, certes, elle était sage aussi. Auprès des savants au front haut que son père Shams fréquentait, elle avait goûté la saveur de cette sorte de savoir qui enivre parfois et parfois fait pleurer de désir trop poignant. Elle avait appris à distinguer le mot de la parole, le temps de la durée, l’énigme du mystère, les beautés nourricières des subtilités vaines.

Enfin sans le secours de ceux qui savaient tout, même l’art de se taire, elle avait appris à écouter, la nuit, le tambour de son cœur, la rumeur de son corps, le chant fragile de son âme.

Vint le matin mélancolique (le ciel pourtant était serein) où son père lui prit les mains au bord du lit de son enfance, chassa d’un coup d’œil la nourrice qui venait d’ouvrir les volets et lui dit :

  • ” Zahra mon aimée, ce soleil sur la courtepointe est le dernier des jours naïfs. Voici pour toi le temps venu d’épouser un prince héritier. Je l’ai choisi ; Il est puissant. Qu’il te donne vingt fils et du bonheur à vivre ! “

Zahra sentit son sang lui chauffer les joues. Un instant elle baissa le front. Lui revinrent soudain ces mots entendus d’un libraire aveugle qui savait voir les yeux fermés : « Sois la sultane de ta vie. Que l’amour seul soit ton palais, ton royaume, ta palmeraie, ton désert et ton océan. »

Elle sourit au regard inquiet qui épiait sur son visage le moindre signe de souci. Elle répondit :

  • “Hélas mon père, l’homme que j’aime est loin d’ici, si loin que je ne sais pas où. Pourtant, il me reviendra un jour, mais j’ignore en quelle saison. Voilà passé le temps de l’enfance, j’en ai béni chaque journée. Maintenant, laissez-moi aller. Je dois construire ma maison où j’attendrai le bien-aimé sans lequel ma vie n’est que sable.”

Elle se vêtit et s’en alla. Shams souffrit ce qu’un père souffre quand son cœur se défait au vent.

Jusqu’au soir elle marcha par les chemins de sable. Au crépuscule elle s’arrêta. Elle contempla les horizons. Elle se vit au centre du monde. Elle s’y bâtit une maison, franchit le seuil et s’enferma.

Aussitôt la rumeur envahit la cité :

  • “Savez-vous, bonnes gens ? La princesse Zahra s’est enfuie dans le désert. Elle attend que l’amour lui vienne, enfermée dans une cabane aux murs de cailloux et de bois !”

Qui ne connaissait pas Zahra, fille de Shams ?

Qui ne la savais pas plus belle et désirable que les reines du paradis ?

Ils accoururent tous, princes, marchands, mendiants, voleurs et philosophes, chacun poussant son ange et traînant son démon.

Au premier qui frappa à sa porte fermée :

  • Qui vient là ? demanda Zahra.

Le cœur serré dans sa chemise l’homme lui répondit :

  • C’est moi.

Alors il entendit Zahra lui murmurer, à l’abri de la porte close :

  • Ensemble dans cette maison toi et moi ne pouvons pas vivre. Il n’est pas de place pour deux. Dis-moi ton nom, homme, et va-t’en.

Il obéit. Le nom fut dit et la recluse le broda sur son manteau de laine bleue.

Le lendemain un autre vint. Lui aussi frappa à la porte.

  • Qui vient là ? demanda Zahra.

Comme son frère de la veille il lança fièrement :

  • C’est moi.

Comme son frère de la veille il entendit ces mêmes mots :

  • Ensemble dans cette maison toi et moi ne pouvons pas vivre. Il n’est pas de place pour deux. Dis-moi ton nom, homme, et va-t’en.

Et tandis qu’il s’en retournait, son nom fut lui aussi brodé sur le manteau de laine bleue.

Ils vinrent cent, ils vinrent mille, ils vinrent dix et vingt années.

Chacun, à la question posée, répondit à la porte close : « C’est moi, Hassan », « C’est moi, Ali », « C’est moi » tel guerrier, tel derviche, tel coureur de sable ou de vent. Cent et cent noms furent brodés sur le manteau de laine bleue, et les jours et les nuits passèrent, et les printemps, et les hivers, jusqu’au jour où fit halte au seuil de la maison un errant au pieds nus.

Il s’appelait Moktar. En langue d’Occident son nom était « l’Elu ».

Il n’avait dans ses mains que ses lignes de vie, mais dans ses yeux brillaient tous les trésors du monde.

Il ne frappa qu’un coup à la porte fermée.

  • Qui vient là ? dit Zahra.

Moktar, droit sur le seuil, demeura silencieux. On entendit le vent caresser le désert. Une deuxième fois :

  • Qui vient là ? dit Zahra.

Sa voix n’était qu’un souffle, un murmure de sable. Moktar ne lui répondit pas, mais Zahra le sentit sourire. De l’autre côté de la porte elle sourit aussi, se pencha, approcha sa bouche tremblante d’une fente dans le bois brut. Elle dit encore :

  • Qui vient là ?

Alors Moktar, l’Elu, dans la brise du seuil approcha lui aussi la bouche de cette fente dans le bois.

  • C’est toi même, dit-il.

Et la porte s’ouvrit.

Il entra, s’avança. Et que vit-il dans la pénombre ?

Zahra vieillie, ridée, courbée dans son manteau de laine bleue où tant d’éphémères passants avaient laissés leur trace inscrite.

Moktar vit-il ses yeux fanés, ses cheveux neigeux et sa fatigue ?

Un fil au bout d’un nom brodé sur l’épaule prit son regard.

Il le tira, défit le nom, et par la porte ensoleillée il lança ce fil à la brise, et le fil à peine dehors se fit oiseau et s’envola.

Il en tira un autre encore.

Un nom se défit, un oiseau encore s’en fut.

Un long, un court et un cinquième, et celui d’un guerrier persan, et celui d’un caravanier, et miracle, avec chaque nom effacé sur le manteau bleu, avec chaque fil envolé, chaque cri d’oiseau délivré, une ride disparaissait sur le visage de Zahra, son teint retrouvait son éclat et ses yeux leur lumière vive.

Quand ne fut plus un nom brodé, quand le soleil eut disparu derrière la nuée d’oiseaux qui avaient envahi le ciel, Zahra était à nouveau jeune et belle, plus ardente encore et rieuse qu’au premier printemps de sa vie.

Alors les deux qui n’étaient qu’un s’en furent droit dans le désert.

Nul ici-bas ne les revit. Ils ne laissèrent dans le sable aucune empreinte de leurs pas.Henri GougaudL’amour foudre

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ET LA LUMIERE FUT, Jacques Lysseran
LE COUP DE COEUR de Françoise Klein

« Et la lumière fut » de Jacques Lusseyran a été publié en 1954. Le livre était introuvable pendant de longues années, l’édition étant épuisée. Il a été réédité aux éditions « Le Félin », dans la collection « résistance-liberté-mémoire » qui exhume des textes ayant trait à la lutte clandestine. Mais s’arrêter au côté résistance comme le fait le résumé sur la page de garde de l’ouvrage, limite la portée de ce récit qui a une dimension bien plus vaste et intime.

Je remercie Josselyne Lorin de m’avoir recommandé ce magnifique témoignage, oublié du grand public. A mon tour j’aimerais vous donner l’envie d’aller à sa rencontre, car je pense qu’il vous touchera. Ce récit irradie l’amour, la joie, la vie, dans une écriture simple et belle.

C’est l’histoire d’un homme qui a eu une enfance extrêmement joyeuse et vive « Mes parents me portaient. C’est sans doute pourquoi pendant toute mon enfance je n’ai pas touché terre. Je pouvais m’éloigner, revenir, les objets n’avaient pas de poids, rien ne collait à moi. Je passais entre les dangers et les peurs comme la lumière à travers un miroir ». Devenu aveugle par accident à huit ans, il y gagne une autre vision « on me disait qu’être aveugle, cela consistait à ne pas voir. Je ne pouvais pas croire les gens, car moi je voyais ». Il découvre un nouveau monde, son monde intérieur et il voit le monde du dehors à l’intérieur de lui.

Je n’irai pas plus loin dans le récit, car ce n’est pas tant l’histoire qui est importante, que ce que l’auteur nous transmet de sa sensibilité, la manière approfondie dont il parle de la réalité telle qu’il la perçoit.

Et comment nous, amoureux du yoga, ne serions-nous pas touchés par sa façon de décrire le monde « visible », le monde des sons, toutes ces relations tissées, nous qui dans notre pratique fermons les yeux, devenant un temps « aveugles », pour mieux percevoir, découvrir le mystère.

« C’est alors qu’un instinct (j’allais presque dire : une main se posant sur moi) m’a fait changer de direction. Je me suis mis à regarder de plus près. Non pas plus près des choses mais plus près de moi. A regarder de l’intérieur vers l’intérieur, au lieu de m’obstiner à suivre le mouvement de la vue physique vers le dehors. Cessant de mendier aux passants le soleil, je me retournai d’un coup et je le vis de nouveau : il éclatait dans ma tête, dans ma poitrine, paisible, fidèle. Il avait gardé intact sa flamme joyeuse : montant de moi, sa chaleur venait battre contre mon front. Je le reconnus, soudain amusé, je le cherchais au dehors quand il m’attendait chez moi ».

« Si je posais la main sur la table sans appuyer, je savais que la table était là mais n’apprenais rien sur elle. Pour apprendre, il fallait que mes doigts exercent une pesée. Et la surprise, c’était ici que la pesée m’était aussitôt rendue par la table elle-même. Moi qui croyais qu’étant aveugle j’allais devoir aller au devant de tout, je découvrais que c’était toutes les choses qui allaient au devant de moi. Je n’avais jamais à faire que la moitié du chemin…Si mes doigts pesaient, chacun d’un poids différent sur le contour d’une pomme, bientôt je ne savais plus si la pomme était lourde ou bien si c’étaient mes doigts qui l’étaient. Je ne savais même plus si c’était moi qui la touchais ou elle qui me touchait ; j’étais entré dans la pomme ou bien elle était entrée en moi et c’était cela, pour les choses, exister. Mes mains devenues vivantes m’avaient installé dans un monde où tout était échange de poussées…J’ai passé des centaines d’heures dans mon enfance, à m’appuyer contre les objets et à les laisser s’appuyer sur moi…Toucher ainsi – toucher comme il faut – les tomates du jardin, le mur de la maison, l’étoffe des rideaux ou cette motte de terre, c’est les voir bien sûr…mais c’est aussi bien plus que les voir : c’est se brancher sur eux, c’est au sens électrique du mot, laisser le courant qu’ils contiennent s’accrocher au courant dont nous somme chargés, ou inversement, c’est cesser de vivre devant les choses pour commencer de vivre avec elles, et tant pis si le mot paraît choquant : c’est aimer. Les mains ne peuvent pas s’empêcher d’aimer ce qu’elles ont touché complètement ».

Françoise Klein

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Une vie bouleversée (suivi de Lettres de Westerbork). Etty Hillesum
Le coup de coeur de Josselyne Lorin

Etty Hillesum est l’auteur de ce témoignage, effectivement bouleversant, que j’ai éprouvé le désir de relire récemment, une trentaine d’années après ma première lecture et, étonnamment, deux mois environ avant le 7 octobre.

Un hymne à la vie et à l’amour par-delà l’horreur des guerres.

Etty était une jeune femme juive Hollandaise; elle aurait pu échapper au sort réservé aux juifs au cours de la deuxième guerre mondiale; elle ne l’a pas fait.

Rencontre décisive avec un proche de C.G Jung; Julius Spier, psychologue et chiromancien juif allemand, auprès duquel elle entreprend un riche voyage intérieur.

« La vie est belle et riche de sens » écrit-elle en leitmotiv, et ce dans un contexte où il n’est plus possible de se mentir à soi-même: celui du camp de transit de Westerbork.

 Elle meurt à Auschwitz le 30 novembre 1943.

 Etty est habitée d’une force intérieure qui lui fait porter un regard d’une honnêteté sans faille sur sa propre intériorité, ses propres fonctionnements, ses « faiblesses » dont nous sommes tous porteurs qui l’amènent à voir derrière l’apparence des choses et à réaliser qu’au plus profond de soi est l’amour. 

Ce journal est extrêmement dense et j’ai hésité à en donner des extraits, lesquels ne sauraient rendre compte de l’extrême richesse de la totalité de l’oeuvre.

Cependant voici:

« On peut nous rendre la vie assez dure, nous dépouiller de certains biens matériels, nous enlever une certaine liberté de mouvement tout extérieure, mais c’est nous-même qui nous dépouillons de nos meilleures forces par une attitude psychologique désastreuse. En nous sentant persécutés, humiliés, opprimés. En éprouvant de la haine. En crânant pour cacher notre peur. On a bien le droit d’être triste et abattu, de temps en temps, par ce qu’on nous fait subir: c’est humain et compréhensible. Et pourtant, la vraie spoliation c’est nous-mêmes qui nous l’infligeons.

Je trouve la vie belle et je me sens libre. En moi des cieux se déploient, aussi riches que le firmament. »

«  Mais Seigneur, donne-moi la sagesse plutôt que le savoir. Ou pour mieux dire: seul le savoir qui mène à la sagesse vous apporte le bonheur, et non celui qui mène au pouvoir. Un peu de paix, beaucoup de douceur et un peu de sagesse, quand je sens cela en moi tout va bien ( journal  1941- 1943).

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AVEC LES FEES, Sylvain Tesson
Le coup de coeur de Didier Zawadzki

Malgré » la polémique » autour du nom de Sylvain TESSON, je reste attaché aux livres qu’il a écrit. Que ce soit, entre autres, « Dans les forêts de Sibérie », « la panthère des neiges », ou encore dans son dernier ouvrage « Avec les fées » .

J’aime l’érudition, la poésie et la liberté qui s’en dégagent. Et le vécu. Je me réjouis d’avance lorsque je m’installe pour lire ses récits de vie dans la nature sauvage et magnifique.

Dans « Avec les fées », Sylvain Tesson parcourt en voilier et à pied les promontoires de Galice, Bretagne, Cornouailles, Pays de Galle et Ecosse. Un périple où des merveilles féériques surgissent à tout instant. Et il sait nous les raconter.

Parlant du poète Wordswoth:

« Lui, le chantre des montagnes, randonneur des landes écossaises, avait compris que la nature est le nom de l’onde unique.

Jeune, il regardait le monde dans sa diffraction, ébloui de variété. Ici un rocher, là une fleur, un nuage, une forêt.

Plus tard il apprit à entendre « l’harmonie triste et calme de l’humanité ». Il découvrit le sentiment sublime d’une chose mêlée intimement en tout.

…Alors, tout devint unique à ses yeux. Comme aux miens, ce matin, au cap Malin.

La mer, la rassembleuse, transfusait dans mon coeur le sentiment de l’unité. »

Ou encore:

« En ce début de siècle, quelque chose souffrait. La machine empiétait sur l’homme. L’âme du monde se retirait sous les coups de la multitude et de l’extase technique. Les écrans clignotaient, les puces pulsaient, les algorithmes tournaient, la marchandise ensevelissait le terre, les t^tes se vidaient, les coeurs se cuirassaient.  »

Si vous ressentez le besoin de poésie, de merveilleux et de grands espaces, qui ouvrent le coeur, je vous recommande de lire ce livre.

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Aboulafia – la quête du kabbaliste de Georges Lahy
Le coup de coeur de Lucile Jouvenel

Il s’agit d’un roman retraçant la vie du kabbaliste Abraham Aboulafia. Son auteur, Georges Lahy, est spécialiste de la kabbale et particulièrement de celle liée à ce mystique dont il contribue à diffuser l’enseignement.

Le roman nous invite à suivre le cheminement d’Aboulafia de sa naissance en 1240 à Saragosse à sa disparition à Patras en 1292.

Le lecteur suit ainsi, le grand voyage engagé par ce personnage hors du commun, tout en étant plongé dans cette période historique, très loin de l’obscurantisme qui y est traditionnellement associé. Il vit la profusion de la réflexion intellectuelle, philosophique et spirituelle du temps. J’ai d’ailleurs été surprise de découvrir cette richesse sur les terres des pays d’Oc et de Camargue, dont une partie sont mes lieux de vie.

En suivant son chemin et ses cheminements, le lecteur perçoit l’enrichissement de ses réflexions au fur et à mesure de ses rencontres dans les différents sites traversés, pour se forger sa propre pratique sans perdre de vue sa quête originelle.

Il côtoie les groupes politiques et intellectuels influant de l’époque tels que les templiers, les ecclésiastes, les franciscains, des alchimistes, des compagnons bâtisseurs, les soufis…permettant au lecteur de vivre la grande circulation des pensées dans ce monde (sans téléphone ni Internet).

Le texte nous invite à saisir assez simplement des notions de kabbale et invite, par ricochet, à toucher du doigt l’universalité des spiritualités. Cette concomitance est constatée à plusieurs reprise : la même quête dans différentes pratiques.

Visionnaire, il ouvre sur des réflexions intéressantes pour soi.

Extrait au début du roman : « Réalises-tu qu’une pensée de Sagesse est la chose la plus subtile de la Création ? Lorsqu’un sage y accède, elle l’imprègne de sa lumière. Dès qu’il la prononce, son poids devient celui du souffle qui l’accueille. On l’entend, mais elle demeure encore invisible. Puis le scribe la capture dans les mailles de son filet de plomb et la dépose sur un parchemin où elle s’assoupit ^prisonnière de la forme, dans un sommeil de plus en plus lourd : une petite mort. Le souffle, sa spiritualité, se retire. Les pensées de Sagesse remplissent des volumes et les étudiants croulent sous leur poids. L’ombre porte l’ombre et en vient à oublier l’existence même de la Lumière. Mais dès que l’on souffle sur le texte, l’esprit le ressuscite. La rosée vivifiante de l’Ancien des jours abonde dans le « souffleur ». La Sagesse renaît d’elle-même et s’envole transportée par une guirlande de voyelles. Si celui qui l’a réveillée est un véritable sage, alors la musique des voyelles vibre et persiste. Son harmonie se fond dans la Lumière du Zohar. Pour ce sage, le livre devient inutile, léger, il peut aller de par le monde. »

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Emergence du yoga par T.K. Sribhashyam. Le coup de coeur de Christine Chaput
Christine Chaput

Un grand livre, en taille et en importance, qui n’est pas récent, 2014, mais que j’utilise beaucoup: Emergence du yoga par T.K. Sribhashyam, frère de T.K.V. Desikachar, aux éditions Yogakshemam et publié en 6 langues.

Au plus près d’un des enseignements de Krishnamacharya, T.K. Sribhashyam a condensé là l’essence de sa transmission. Un tiers de l’ouvrage revient sur les origines du yoga, un tiers est consacré aux postures, décrites avec leurs effets, photos et particularités, la dernière partie approfondissant les mudras (asanas), pranayama et glossaires.

Sont dévoilés quelques exemples de pratiques de Krishnamacharya, suivis de plus de 70 propositions graduelles de séances, ainsi que des sessions uniquement de pranayama, d’autres en relation aux phases de la lune, tout ceci nous portant très loin dans la connexion aux origines du yoga, cette source lointaine.

La proximité de l’enseignement de Krishnamacharya nous ramène à ses particularités, entre autres, celle de l’enseignement pour les spécificités féminines, de la grossesse, aux douleurs menstruelles etc…qui sont détaillées au gré des postures.

Une autre particularité est celle de l’indication des 16 points vitaux, lieux de concentration, un ou plus dans chaque posture soit un support supplémentaire d’intériorisation.

Enfin et non des moindres, chaque posture est décrite avec ses fruits, ce qui nous rapproche des indications de la yogathérapie. Les nombreuses illustrations, notamment de Sri T. Krishnamacharya, père et maître de Sri T.K. Sribhashyam, apportent à cet ouvrage un éclairage exceptionnel sur le Yoga.
Disponible sur https://www.yogakshemam.net/product-page/emergence-du-yoga au prix de 30€

Ce livre est un de mes solides supports et me permet d’approfondir encore et encore les ressources du yoga.

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Thoreau yogi des bois, par Colette et Emilie Poggi. Le coup de coeur de Didier Zawadzki.

La vie de Thoreau né en 1817, poète, philosophe, homme engagé, est vue à travers le prisme du Yoga. L’érudition et l’intelligence de Colette Poggi, énoncée sans suffisance nous donne un regard passionné et passionnant sur la vie de ce philosophe amoureux de la nature, retiré au fond des bois, mais engagé dans la vie de son époque. Ses écrits ont par la suite largement inspiré Gandhi entre autres humanistes.

Thoreau a vécu à Walden au milieu de la forêt pendant deux ans en écrivant ses impressions, émerveillements, ses pensées, en communion totale avec la nature.

Indéniablement, sa capacité d’émerveillement fait apparaître un homme engagé dans un quête spirituelle intense.

La vie de cet homme éclairé, lisant la Bhagavad gita tous les matins, ses engagements, les commentaires inspirants de Colette Poggi, les illustrations d’Emilie Poggi m’ont particulièrement touché.

Ruez vous sur ce livre passionnant.

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« Maintenant que j’ai 50 ans » Bulbul SHARMA – Edition Picquier. Le coup de coeur de Monique Andary.

L’auteur : Ecrivain et peintre, Bulbul Sharma habite Delhi où elle travaille comme professeur d’arts plastiques avec des enfants handicapés. Elle écrit des romans aux arômes sensuels d’épices et de nourriture, et compose en peintre des livres sur les arbres et les oiseaux. Elle est l’auteure de plusieurs romans et recueils de nouvelles, dont : La Colère des aubergines, Mes sacrées tantes, Mangue amère et Maintenant que j’ai cinquante ans.

Le livre : onze nouvelles ayant pour cadre l’Inde d’aujourd’hui, écrites par une indienne sur les femmes indiennes.

Il leur aura fallu attendre 50 ans pour se connaître, découvrir la force et la sérénité qui sont en elles, se libérer du carcan des traditions et comprendre le monde qui les

entoure. Passant de la révélation à la rébellion, elles vont apprendre à écouter leurs désirs, s’ouvrir au monde extérieur et à leur monde intérieur et s’épanouir, enfin !
Pour Bulbul Sharma, à cinquante ans, la vie ne fait que commencer. Ecoutons-la nous en convaincre avec une tendresse et un humour délicieux.

Pour tous ceux qui connaissent ou voudraient connaître l’Inde et/ ou projettent d’y aller ….

Extrait : « Deux ans après mon cinquantième anniversaire, j’ai décidé de m’inscrire à un cours de salsa. Je m’en souviens très bien parce que c’est l’année où mon mari Ramesh m’a quittée pour aller vivre à Goa avec son secrétaire, un garçon du nom de Monty. Je n’avais pas vraiment envie de m’inscrire. D’ailleurs, je ne savais même pas que la salsa était une danse. Je croyais qu’il s’agissait d’une sorte de sauce tomate que l’on mange avec des chips triangulaires. » …

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« Message des hommes vrais au monde mutant » de Marlo Morgan – Collection J’ai Lu . Le coup de coeur de Pascaline de CAZENOVE

L’auteur : Mère de deux enfants et scientifique de formation, Marlo Morgan a travaillé à l’élaboration de programmes éducatifs en matière de médecine préventive et sociale avant son aventure australienne.

Le livre : on les appelle le Peuple sauvage. Lorsque Mario Morgan, américaine tranquille, rencontre cette tribu d’aborigènes australiens, elle ne sait pas que sa vie va être bouleversée.

Adieu cartes de crédit, loyer, échéances ! Dépouillée de ses vêtements, déconnectée de sa culture, la “mutante” est propulsée, pieds nus, dans le bush australien. Au contact de ses étranges compagnons, entre la peur et l’émerveillement, elle va apprendre à remplacer les médicaments par les plantes, les jetons de téléphone par la télépathie, la psychologie par la communion avec les animaux.

Recevoir les dons généreux du hasard, devenir réel, entendre les messages de la nature auxquels nous sommes devenus sourds : tel est l’enseignement de ce récit insolite qui nous ouvre les portes d’une sagesse venue du fond des âges.

Ecoutons battre, jaillies du désert, les pulsations d’une vie très ancienne : un monde de pureté nous est offert.

Quelques lignes tirées du livre.

« A l’occasion de cette anecdote, mes compagnons me donnèrent leur « définition » du don : un don n’est un don que lorsque vous donnez à quelqu’un ce qu’il désire Ce n’en est pas unquand vous lui donnez ce que vous voulez qu’il ait. Un don est sans attache. Il est sans condition, et celui qui le reçoit a le droit d’en faire ce qu’il veut, l’utiliser, le détruire, lejeter. Il lui appartient inconditionnellement et le donateur n’attend rien en échange. Si ledon ne correspond pas à ces critères, ce n’en est pas un. Il me fallut bien admettre que lesdons du gouvernement et, hélas, la plupart de ce que ma société considère comme des dons, n’en sont pas pour cette tribu. Mais je pouvais aussi me souvenir de gens, dans mon pays,qui donnent constamment, et sans s’en rendre compte. Ils donnent des encouragements,partagent des incidents amusants, offrent une épaule secourable ou sont, tout simplement,d’indéfectibles amis.

La sagesse de cette tribu était pour moi une source continuelle d’émerveillement. Si

seulement elle dirigeait le monde, combien nos relations seraient différentes. »

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Une histoire de transmission. T.K.V Desikachar. Le coup de coeur de Didier Zawadzki.

Au petit matin du 8 août 2016, Sri T.K.V Desikachar, fils du grand yogi Sri Tirumalai Krischnamacharya, s’éteignait à Chennai, une province du sud de l’Inde.

C’est la lignée de Yoga que nous nous efforçons de transmettre dans notre association.

Ce livre, édité par « Les Cahiers de Présence d’Esprit », magnifiquement dirigés par Béatrice Viard, regroupe les témoignages éclairants de ses élèves directs pendant vingt, trente, quarante ans.

Ce qui m’a profondément touché dans ce livre est l’honnêteté des témoignages, et la profonde humanité qui s’en dégage.

Le yoga n’est pas seulement une affaire de bien-être, de postures ou de souffle. Il est au coeur du vivant.

Vous pouvez vous procurer ce livre et beaucoup d’autres cahiers de « Présence d’Esprit »  en suivant le lien: www.presencedesprit.org

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« Notes de ma cabane dans les monts » Antoine Marcel. Le coup de coeur de Solange Kergoat

J’ai lu ce livre à la suite du « Livre du rien », 11 poèmes de Sosan sur l’essence du Zen commentés par Osho.

Dans son ouvrage, Antoine Marcel relate son installation avec sa famille, comment il en est venu là, au fond d’une gorge retirée, loin de l’agitation du monde. Dans ce lieu règne une profonde solitude et un grand silence.

Plus influencé par Walt Whitman, Kenneth White ou Kerouac que par David Thoreau, même s’il s’en inspire, il est aussi nourri par la lecture des Lettrés chinois tel que Wangwei qui toute sa vie a tenté de vivre poétiquement dans le monde et au-delà du monde en même temps. Tous font partie de sa filiation invisible.

Sans rejeter quelques avantages de la vie sociale actuelle, il n’en a pas moins une intention profonde : « un retour au silence autant de l’environnement que de l’esprit ».

Kenneth White lui souffle : « Ce que tu cherches c’est un monde ».

Qu’est-ce qu’un monde ?

Pour Antoine Marcel « c’est un endroit où l’on pourrait vivre en accord avec ce qui nous entoure ». A la vaine agitation du monde de la temporalité, l’auteur oppose sa « géopoétique », une poétique de l’espace encore empruntée à Kenneth White.

« Habiter la terre en poète, habiter un monde dans lequel pouvoir vivre en fidélité à soi-même, à ce que l’on possède de plus précieux ».

Peu à peu, il nous livre ses réflexions sur les connexions, les résonances entre ses lectures, sa longue pratique du zen auprès de Dôgen et ses activités quotidiennes liées à la terre.

Là où autrefois il expérimentait, il agit désormais en connaisseur. Cette dimension silencieuse perçue avec intelligence dans sa pratique du zen persiste au-delà de l’assise.

Dôgen rappelait que « se connaître soi-même, c’est s’oublier ».

Lorsque le moi consent à se taire, que ce soit dans l’absorption en coupant du bois ou en portant de l’eau, cela fait sens.

De lectures essentielles, de pratique zen en voyage de par le monde, d’expériences accumulées, un autre sens de la vie a émergé, c’est tout naturellement que cela s’exprime ici : « La vie dans les monts, solitaire, invite à cultiver la noblesse d’âme près des forêts de sapins, sachant pertinemment que rien ne me sera donné de plus que cette transparence de l’air, cette odeur de résine, cette poésie vitale ».

Ce qui m’a attiré dans ce livre, après la lecture des poèmes de Sosan, c’est l’expression d’une incarnation quotidienne de cette philosophie ancestrale. Bien sûr il reste un homme faillible, sensible, parfois content de lui. C’est un livre sur l’engagement dans ce qui est essentiel.

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“Le livre du rien” de Osho. Le coup de coeur de Solange Kergoat

Quand vous êtes vides,

Le tout entre en vous

et pourtant, il reste l’infini.

Le Livre du Rien de Osho

Cet été, pour alimenter notre recherche autour du Yoga, j’ai lu “Le livre du rien” de Osho.

Il commente le plus ancien texte du Tch’an chinois, le “HSIN SIN MING, un recueil de poèmes sur la Foi Véritable écrit à la fin du VI ème siècle par SOSAN, un Maître Zen du « non mental », moine vagabond, sans racine, sans attachement. Ce texte contient la quintessence, l’âme même du Zen.

OSHO aborde ces poèmes d’une manière pédagogique, faisant parfois appel au célèbre Mullah Nasruddin. Il explique chaque strophe, insistant sur chaque expression, allant jusqu’à la racine de certains mots, non pas pour que nous les comprenions intellectuellement mais pour que nous en expérimentions la saveur, la force, le sens profond, pour les intégrer sensoriellement. « Ces paroles sont des graines si nous sommes prêts à devenir le terrain ». Paroles à écouter avec le coeur et non pas avec le mental.

On en retrouve quelques aspects développés dans les Yoga Sûtra de Patanjali comme ceux qui traitent des « dvandva » par exemple. Nous connaissons ces aphorismes mais un détour par d’autres approches ne peut qu’éclairer quelques zones d’ombre de notre compréhension.
Cela commence par l’écoute : écouter le sens des paroles – pas la signification ; écouter sans rien décider, sans penser.

Osho évoque la maladie du mental qui est toujours divisé, la notion du choix et de la division qui l’accompagne. Quand intervient le pour, le contre suit comme une ombre ; mieux comprendre le fonctionnement de l’ego dans une absence d’efforts.

Il insiste sur le fait de ne pas renoncer à l’action, le passage à travers lequel on entre dans la réalité et la réalité entre en nous. Ne pas renoncer à l’action, seulement renoncer à la pensée mais devenir plus conscient…
Et cela n’est que le début des poèmes !

Certains passages m’ont particulièrement touchée comme celui de la notion du choix et de la division qui l’accompagne. Restée plusieurs jours avec ce passage cela a particulièrement résonné en moi et apporté quelques changements dans mes relations.
Quel apaisement !
Voir ce moment où « je » sélectionne, « je » juge, ce moment où le mental intervient, s’impose et lorsque « je » comprends cela, que se passe-t-il ? … ça s’arrête !

Pour vous donner un avant-goût de ce qui attend le lecteur que vous êtes, voici le 1er poème.

La Grande Voie

La Grande Voie n’est pas difficile

pour ceux qui n’ont pas de préférences.

Quand l’amour et la haine sont tous deux absents,

tout devient clair, sans masque.

Si pourtant, vous faites la plus petite distinction,

le paradis et la terre se retrouvent infiniment séparés.

Si vous souhaitez voir la vérité,

alors n’ayez pas d’opinion pour ou contre.

Opposer ce que l’on aime à ce que l’on n’aime pas,

c’est la maladie du mental.

Le livre du rien, Osho

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Le Coffret des Mudras, le coup de coeur de Christine Chaput. 9 octobre 2023

Livre avec 70 mudras environ ou coffret avec 49 cartes, visuellement magnifiques, qui apportent un éclairage sur le pouvoir subtil de la connexion des nadi, par les doigts, chaque doigt étant relié à un des 5 éléments (bhuta). Chaque mudra permet de stimuler ou atténuer tel élément, de les connecter en synergie, et les indications sont très bien détaillées. J’ai particulièrement apprécié la clarté des explications et leur simplicité, sur ce sujet peu connu ici. Passionnante plongée dans les trésors de nos mains.

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