Profondeur de la connaissance expérimentale de l’être humain par les yogis

C. Chaput. La science des yogis ne nous arrive en occident que de manière très parcellaire.
Christine Chaput, professeure IFY

Il arrive souvent que des yogis en Inde rapportent des histoires de légendaires yogis qui auraient vécu 200 ans, 600 ans ou “sans âge'” et certains disent que nous sommes faits pour vivre 130 ans.

Les yogis ont remarqué depuis des temps immémoriaux les effets des nettoyages internes qui ont été consignés dans la pratique des shatkarma, les 6 actions (de nettoyage), pour avoir corps, souffle, énergie et mental dans leurs fonctionnements optimaux, donc une longévité accrue. Ceci dans le but de profiter d’une vie assez longue pour bénéficier d’une réalisation dans cette vie (afin de ne pas revenir souffrir dans ce monde là).

Les shatkarma sont aussi utilisés pour équilibrer les 3 dosha, ou humeurs du corps, kapha, eau, pita, feu, et vata, vent, comme en ayurvéda, puisqu’un déséquilibre de ces dosha peut-être source de maladie, et la maladie est un des obstacles sur le chemin spirituel.

Ces shatkarma ne devraient être ni enseignés, ni pratiqués sans la présence d’un maître.

Le célèbre yogi Swami Satyananda Saraswati a cependant consacré 38 pages de son livre “Asana Pranayama Mudra Bandha” à ce sujet, assorti de recommandations précises sur les pratiques et les bénéfices, comme l’ensemble de l’ouvrage d’ailleurs.

Dans le hatha yoga, le but de ces nettoyages est de créer l’harmonie entre les 2 flux d’énergie ida et pingala afin d’atteindre une purification et une harmonie physique et mentale, les toxines étant considérées comme obstacle au bon fonctionnement.

Ces shatkarma sont 6 groupes de nettoyage, chaque groupe comportant différentes pratiques.

Ces shatkarma sont neti, dhauti, nauli, basti, et les 2 les plus connus et pratiqués en occident, kapalabhati et trataka.

Neti, qui purifie le passage nasal de l’air et du prana est décliné en jala neti (nettoyage par passage d’eau salée tempérée d’une narine à l’autre, et qui nécessite l’apprentissage des techniques de séchage des narines sans mouchage), et en sutra neti (passage d’un fil en caoutchouc d’une narine à la bouche ou d’une narine à l’autre afin d’ouvrir le passage au souffle).

Dhauti est le groupe le plus élaboré avec 3 sous-groupes, comportant les nettoyages internes, nettoyage de la tête et de la cage thoracique.

Le groupe des nettoyages internes inclut shankhaprakshalana, le nettoyage complet du tube digestif de la bouche à l’anus avec de l’eau salée tempérée, avec 3 autres pratiques, agnisara, nettoyage par l’activation du feu digestif par action musculaire, kunjal, nettoyage de l’estomac avec de l’eau et vatsara dhauti, nettoyage des intestins par de l’air avalé par soi-même.

Nauli est une méthode de massage et de renforcement des organes abdominaux par un mouvement de rotation des muscles abdominaux.

Basti est une pratique de lavage et tonification du gros intestin.

Quant à kapalabhati, qui comporte aussi 3 pratiques distinctes, elle est destinée à nettoyer la partie frontale du cerveau.

En ce qui concerne le 6ème shatkarma, Trataka, la concentration du regard sur une bougie, il est le lien entre hatha yoga et raja yoga, conduisant à de hauts états de conscience.

Afin de mieux faire prendre conscience aux lecteurs.trices de la profondeur de la connaissance expérimentale de l’être humain des yogis, je vais maintenant développer shankhaprakshalana, une des pratiques de dhauti, car son importance se relie aux récentes découvertes scientifiques sur le rôle élargi des intestins dans notre santé globale, et le soin que nous pourrions leur accorder (voir un article publié par notre association).

Sankhaprakshalana, se pratique en ashram, dans un environnement sécurisé, sous un oeil averti, et nécessite une préparation alimentaire allégée la veille de la pratique. Cela consiste en l’absorption progressive, verre par verre, d’eau salée tempérée (plusieurs litres au total) accompagnée de la pratique d’une séquence de 5 asana dynamiques, répétées 8 fois, qui vont favoriser la circulation de l’eau étape par étape dans le tractus digestif et activer le péristaltisme. Cette séquence est répétée après chaque absorption et entre chaque évacuation du contenu intestinal jusqu’à ce que l’eau évacuée contienne très peu de résidus. S’en suit un repos absolu allongé, de 45 mn sans dormir, suivi par une réalimentation immédiate avec khichari, un met onctueux et très nutritif.

Un naturopathe indien compare, alors, la peau nettoyée de l’intestin à la fragilité de celle d’un nouveau né, dont il faut prendre grand soin. Un nouveau film de mucus se forme rapidement tout au long du tractus digestif et des précautions alimentaires non agressives sont indispensables quelques jours à quelques semaines en fonction de la sensibilité de chacun, pour protéger le mucus et favoriser la colonisation intestinale par les nombreuses bonnes bactéries.

Cette pratique peut s’envisager à chaque changement de saison ou au moins 2 fois par an.

Il existe aussi une version courte de cette pratique avec seulement 2 litres d’eau pour un nettoyage plus léger, et encore vaman dhauti pour nettoyer l’estomac par vomissements. 

Des ajustements alimentaires sont très courants chez les yogis mais aussi chez les personnes concernées par leur santé, alignés sur le calendrier lunaire. Ces temps sont nommés kalpa, transformation, et consistent en monodiète pour quelques jours, par exemple que des produits laitiers, que des fruits…, afin de stimuler la régénérescence cellulaire.

La science des yogis ne nous arrive en occident que de manière très parcellaire, mais cette science expérimentale, subtile et millénaire mériterait un rapprochement avec la science moderne au bénéfice de tous.

Les yogis ne s’y intéressent guère car pour eux c’est une évidence, ils n’ont besoin d’aucune validation supplémentaire, les lignées de yogis ont fait le travail!

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