Le microbiote, cet ami essentiel à notre survie et pour communiquer avec notre environnement.
Bernard Klein
Nous, pratiquants de yoga, cherchons à ressentir le dialogue avec notre environnement (nos proches, les animaux, la nature, l’Univers). Ce dialogue passe par les organes des sens : vue, ouïe, toucher, odorat, goût. Il passe aussi par une entité moins perceptible mais pourtant essentielle à notre survie, le microbiote.
L’être humain vit avec et grâce à son microbiote, une multitude de microorganismes unicellulaires (essentiellement des bactéries, mais aussi des levures et archées) ou intracellulaires (virus, mycoplasmes) qui tapissent ses muqueuses : le tube digestif, la sphère ORL (bouche, gorge, nez, sinus), les poumons, la peau, la sphère génitale. Plus de 99 % des microorganismes sont localisés dans l’intestin. Ces microorganismes sont les premiers éléments vivants apparus il y a quatre milliards d’années au début du développement de la vie sur notre terre, dans un chaudron de radiations et de molécules hyper-réactives induites par le rayonnement solaire. Au cours du lent (à l’échelle humaine) processus de l’évolution, ces premiers maillons de la vie se sont complexifiés pour donner des organismes pluricellulaires, dont nous mêmes, l’être humain.
Ainsi, venant de microorganismes, nous nous sommes développés avec eux et vivons en symbiose avec certains de ces microorganismes.
Un être humain est constitué de 10000 milliards de cellules et son microbiote intestinal contient 10000 à 100000 milliards de microorganismes, localisés essentiellement dans le gros intestin. Comme le microbiote intestinal est en très grande majorité constitué de bactéries, j’utiliserai ce terme simplificateur dans la suite du texte. Mais notons que, même si ils sont minoritaires, les autres types de microorganismes (levures, archées) ainsi que les virus qui les infectent peuvent jouer un rôle important, notamment dans certaines pathologies.
Notre paroi intestinale est protégée d’un contact direct avec ces bactéries par un gel, le mucus, secrété par des cellules caliciformes intestinales. Le mucus joue une rôle primordial d’échange entre les cellules de la paroi intestinale et les bactéries/microorganismes. Une dégradation de ce mucus peut causer des maladies. Ces bactéries nous sont apportées par notre environnement, dès la naissance par voie vaginale et allaitement par notre mère, par contact avec les membres de notre famille, les animaux, les aliments, les objets que l’on touche. Puis, tout au long de notre vie, nous maintenons ce dialogue permanent avec notre environnement, en partageant notre microbiote.
Tous les jours, nous nourrissons un à deux kilos de bactéries dans notre intestin, réparties en 200-400 espèces différentes. Pour nous remercier, certaines espèces de bactéries intestinales sont bénéfiques:
– secrétant des enzymes pour nous aider à digérer les aliments,
– produisant des molécules nécessaires à notre survie (vitamine K, vitamines B7, B12, certains acides aminés essentiels, …),
– régulant des voies métaboliques (acides gras, calcium, magnésium),
– participant à la production de médiateurs qui stimulent nos organes, dont notre cerveau,
– éduquant nos défenses de l’organisme.
Notre microbiote est couramment appelé « deuxième intestin », « deuxième foie », « deuxième cerveau », « éducateur du système immunitaire ».
La grande majorité des espèces de bactéries sont neutres.
D’autres espèces peuvent être dangereuses mais elles sont tenues à distance de notre mucus et membrane digestive par des bactéries protectrices.
Un microbiote en bonne santé est le reflet d’un équilibre subtil entre bactéries bénéfiques, neutres, et dangereuses, et tout appauvrissement de cette diversité et équilibre peut conduire à des pathologies.
Ces bactéries se renouvellent très vite, avec un temps de division de trente minutes à quelques heures, et sont éliminées en grand nombre chaque jour dans nos selles qui contiennent en permanence 30-50 % de bactéries. Aussi, par nos « choix de vie », environnement, alimentation, hygiène, notre degré de stress, nous contribuons chaque jour à façonner la diversité et richesse de notre microbiote.
La puissance technologique, si elle n’est pas maîtrisée, peut perturber considérablement notre microbiote et altérer la survie de l’espèce humaine : une nourriture peu diversifiée, industrielle, les pesticides, additifs chimiques, un environnement pollué, aseptisé, la surconsommation de médicaments, conduisent très vite à un appauvrissement de la flore intestinale.
A titre d’exemple, les antibiotiques ont permis de réduire considérablement la mortalité humaine. Mais si ils sont utilisés de façon incontrôlée, dans l’alimentation animale ou le traitement non approprié de patients, ils sont susceptibles d’altérer la diversité et richesse de notre microbiote et ceci de façon durable. Cette dérégulation favorise le développement de maladies métaboliques, cancéreuses, inflammatoires, auto immunes, allergiques, neurodégénératives, entre autres. Un intérêt majeur est qu’une restauration d’un microbiote « sain » va aider au traitement, voir conduire à la guérison de ces pathologies.
Si ce rôle majeur du microbiote est maintenant bien reconnu dans nos sociétés, prenons garde aux convoitises commerciales: si vous tapez microbiote dans un moteur de recherche, vous arrivez sur des centaines de pages ou d’articles vantant les vertus de tel régime, supplétif alimentaire pour améliorer votre santé, le plus souvent avec un argumentaire pseudo-scientifique.
Notre pratique du yoga est susceptible d’influencer notre microbiote, en stimulant la motricité des organes digestifs, la sécrétion de mucus et la protection de notre paroi intestinale. Elle renforce le système immunitaire, réduit le stress, stress qui fragilise les bactéries protectrices essentielles pour promouvoir la production de neuromédiateurs stimulant notre vitalité et bien être: dopamine, sérotonine, en autres.
Les maîtres de yoga n’ont pas eu besoin d’une connaissance scientifique du microbiote pour percevoir ce dialogue essentiel qu’il établit entre notre corps et l’environnement, et développer depuis des milliers d’années les concepts et pratiques aidant à renforcer son action symbiotique avec nous mêmes.
Mais en ce début du troisième millénaire, développer les connaissances sur le rôle vital du microbiote me semble essentiel, car celui-ci autrefois préservé, est aujourd’hui fragilisé par notre mode de vie.
Pour aller plus loin.
Si vous souhaitez approfondir cette question, je vous recommande un article de synthèse de l’INSERM, donnant les informations majeures récentes, de même qu’une excellente revue exhaustive dans Wikipedia. Vous avez aussi de très bons livres grands publics. Ces livres sont plus ou moins pédagogues ou détaillés.
Je vous en recommande deux: 1. le livre de Justin et Erica Sonnenburg, « L’incroyable pouvoir de votre microbiote » est publié aux éditions « J’ai Lu ». P. et E. Sonnenburg sont un couple de scientifiques Américains spécialistes du microbiote. Bien que publié en 2016, ce livre reste parfait car il donne une information de haut niveau, de façon pédagogue et vivante en livrant des anecdotes sur leurs enfants et vie personnelle. 2. J’ai aussi beaucoup apprécié le livre plus récent du Professeur Patrick Hillon, gastroentérologue, « Le microbiote, un ami qui vous protège ? » aux éditions Eyrolles. Les 60 premières pages donnent une très bonne synthèse des connaissances récentes. L’autre partie du livre détaille le rôle majeur d’une détérioration du microbiote dans des maladies fréquentes.
Le mois prochain, j’introduirai un livre pour enfants (mais aussi pour adultes), sous forme de bandes dessinées que mes petits enfants adorent. Puis, au cours de l’année 2024, je résumerai de façon simple des articles scientifiques récents montrant le rôle essentiel du microbiote dans certaines pathologies.
En fin d’année, les pratiquants de yoga de notre association, si ils le souhaitent, auront accès à une connaissance globale de leur microbiote. Vous pourrez alors réfléchir si cette connaissance influence votre pratique du yoga et son impact sur votre microbiote, le dialogue entre vous mêmes et votre environnement.
Nos précédents Regards sur la science :
Pourquoi des Regards sur la Science sur le site ifym.fr?
Quand nos cerveaux se mettent sur la même longueur d’onde
Sommes nous seuls dans l’Univers?