Cancers en augmentation : mieux comprendre pour mieux prendre soin de son corps
Bernard Klein

Depuis plusieurs années, les chercheurs observent une progression lente mais régulière des cancers dans les pays industrialisés. Cette tendance concerne tout particulièrement la France, avec une hausse notable de 1,1 % par an parmi les jeunes adultes âgés de 20 à 40 ans ces vingt dernières années. C’est une observation inquiétante, car cette tranche d’âge bénéficie normalement d’une excellente santé générale, d’un système immunitaire performant et d’un organisme encore peu marqué par le vieillissement.
Pourquoi, alors, voit-on aujourd’hui des cancers apparaître plus tôt dans la vie ?
Les réponses deviennent évidentes, grâce à de nombreuses études scientifiques, françaises et internationales. Toutes convergent vers la même idée : nos organismes sont imprégnés et attaqués de toute part par des cocktails de multiples polluants (air, eau, nourriture, plastique, PFAS, …), produits sans réelle réglementation dispersés partoutpar nos sociétés modernes. Ces attaques qui commencent dès la vie foetale, transforment le cancer : d’une maladie liée au vieillissement, il devient une maladie due à nos modes de vie toxiques.
Le cancer : un processus lent, entre 5 et 30 ans qui apparaît chez les personnes âgées
Contrairement à l’image d’une maladie brutale, le cancer se construit dans la discrétion. Une cellule doit accumuler entre cinq et sept dérégulations majeures pour devenir cancéreuse. Et la nature a pourvu notre corps de solides mécanismes pour bloquer ces cellules pré-cancéreuses ou cancéreuses.
– il répare les cassures de l’ADN,
– il force les cellules anormales à se suicider ou à bloquer leur prolifération,
– il mobilise le système immunitaire pour éliminer les cellules anormales
C’est pourquoi un cancer met en moyenne 5 à 30 ans à se développer, dont une très longue phase silencieuse. Les cancers apparaissent essentiellement chez les personnes âgées quand les régulations hormonales, métaboliques, le système immunitaire, les mécanismes de réparation de l’ADN sont moins efficaces et que les dérégulations s’accumulent au fil du temps au sein de quelques cellules anormales.
Mais ce processus de défense peut être affaibli par des expositions répétées à des cocktails de produits toxiques, au stress permanent, dès la vie foetale et l’enfance.
Ainsi, lorsqu’un jeune adulte est touché, ce n’est jamais « soudain » : cela reflète une agression précoce et continue du corps.
Des cancers qui touchent surtout les muqueuses chez les jeunes
L’augmentation rapide des cancers ces vingt dernières années chez les jeunes adultes est donc très préoccupante. Un aspect particulièrement frappant est que les cancers en augmentation chez les adultes jeunes touchent
- majoritairement les muqueuses au niveau du tube digestif (estomac, vésicule biliaire, côlon, pancréas) ou de la peau
- des organes hormonodépendants (sein, thyroïde)
- les organes sexuels (ovaires, testicules)
Les muqueuses – fines, vulnérables, essentielles – sont les interfaces vivantes et sélectives entre l’extérieur et l’intérieur du corps. Elles filtrent, protègent, absorbent. Leur fragilisation reflète souvent un stress continu lié à l’alimentation, aux polluants atmosphériques (notamment les microparticules), aux pesticides, aux multiples polluants chimiques, aux perturbateurs endocriniens.
Ce stress continu
– attaque les microorganismes qui tapissent nos muqueuses et qui sont essentiels au fonctionnement de notre corps. En particulier, les microorganismes de notre microbiote intestinal qui dégradent les aliments pour qu’ils puissent être absorbés par l’intestin, produisent des vitamines, des neuromédiateurs, des lipides sans lesquels nous ne pourrions vivre (voir notre article)
– attaque le mucus qui protège les cellules de nos muqueuses
– puis crée une inflammation chronique de ces muqueuses. Les cellules immunitaires de ces muqueuses sont alors activées pour éliminer le danger. Ce processus inflammatoire et immunitaire entraîne des lésions progressives des cellules des muqueuses. Les cellules immunitaires intestinales activées de façon chronique et anormale peuvent migrer dans l’organisme pour créer dans des sites distants des maladies inflammatoires (articulations, intestin), auto-immunes ou neurologiques.
Dans la vision du yoga, ces muqueuses peuvent être comparées à des « portes d’entrée » de l’énergie vitale. Leur santé dépend de l’harmonie générale entre le souffle, l’alimentation, la gestion du stress et l’environnement. Les scientifiques, eux, parlent plutôt d’équilibre métabolique, d’inflammation, de barrière intestinale et de qualité de l’air.
Mais l’idée centrale est la même : ces tissus sensibles et essentiels pour notre interaction vitale avec notre environnement réagissent fortement à ce que nous vivons au quotidien.
Les expositions environnementales : un rôle de plus en plus documenté
La recherche française joue un rôle clé dans ce domaine. Plusieurs grandes études ont mis en évidence un lien entre certaines expositions à des produits toxiques et l’augmentation de cancers chez les enfants et les jeunes adultes :
- L’étude GEOCAP (Inserm) : montre un excès de cancers pédiatriques (notamment leucémies et neuroblastomes) chez les enfants vivant près de zones viticoles où l’usage de pesticides est en moyenne 5 fois plus élevé que sur les autres terres agricoles.
- L’étude PESTIRIV (Santé publique France) : révèle une imprégnation (urine, cheveux, sang) accrue par les pesticides chez les habitants proches des cultures, y compris chez les enfants.
- L’étude PESTIPAC : met en évidence une augmentation du risque de cancer du pancréas associée à l’exposition à certains pesticides, notamment dans les régions viticole
Ces études ne disent pas que l’exposition provoque immédiatement un cancer, mais qu’elle augmente progressivement la vulnérabilité des tissus. Une exposition répétée, même à faibles doses, peut influencer le développement des muqueuses sur plusieurs années, modifier le microbiote, augmenter l’inflammation, affaiblir les défenses naturelles du corps.
Les jeunes générations, exposées depuis la vie foetale à un environnement beaucoup plus toxique que celui de leurs parents, portent ces empreintes de cette agression biologique.
Le yoga nous permet de percevoir et respecter cette interaction vitale avec tout notre environnement
Le yoga aborde le corps comme un écosystème vivant en continuum avec l’espace extérieur, avec l’environnement. Chaque geste, chaque respiration, chaque pensée influence notre état général et notre environnement. Pour nous pratiquants de yoga, la santé n’est pas seulement l’absence de maladie : c’est un état d’harmonie entre le souffle, le mental, l’alimentation et l’environnement.
Pratiques, méditations, lectures et réflexions, les échanges nous permettent d’être à l’écoute de notre corps et notre mental, de nous ouvrir aux autres et au monde.
Cette conception rejoint en profondeur les plus récents travaux scientifiques :
– la respiration lente améliore le système nerveux autonome,
– la perception puis la réduction du stress harmonise le lien profond entre notre cerveau et nos organes, en particulier nos muqueuses, notre système hormonal, notre système immunitaire, et nos microbiotes.
– des pratiques renforce l’immunité et régule les hormones,
– l’alimentation simple et non transformée protège les muqueuses et limite l’imprégnation de nos tissus par ces cocktails de produits toxiques
– le sommeil facilite la réparation cellulaire.
Ainsi, même si le yoga ne peut pas « prévenir » un cancer à lui seul, il contribue à créer un terrain biologique plus stable et mieux protégé, capable de résister aux agressions du quotidien.
Comment agir concrètement au quotidien ?
Face à ces constats qui peuvent sembler accablants, rappelons-nous que chaque geste compte et que c’est nous qui décidons de polluer ou non notre corps, notre environnement et celui de nos voisins ou autres espèces vivantes. Sans jamais viser la perfection, nous pouvons poser des actes qui font véritablement la différence :
- Privilégier des aliments bruts, peu transformés
- Réduire l’exposition aux plastiques, pesticides et solvants
- Echanger avec nos proches pour approfondir une prise de conscience collective et renforcer notre résilience
- Pratiquer une activité physique régulière, douce mais quotidienne
- Respirer profondément pour calmer l’inflammation et le stress
- Cultiver la qualité du sommeil et des rythmes de vie
- Consacrer du temps au repos et au recentrage
Au-delà de nos pratiques individuelles, prendre soin de notre santé passe aussi par défendre collectivement un environnement plus sain pour la santé de tous.
