Jala neti, pratique et bienfaits, C. Chaput

Neti, est un des satkarma, les 6 actions, décrits dans la Hatha Yoga Pratipika HYP (II-21) et la Gheranda Samhita (I-51,52). Les satkarma sont les 6 groupes de nettoyages dont font partie kapalabhati et trataka.

Proposée par Christine Chaput lors des Hivernales 2025

Faisant suite à notre week-end des Hivernales, où la pratique de jala neti a été proposée, dans le cadre du yoga des yeux, voici un article reprenant de nombreux aspects de ce kriya, action de nettoyage, du point de vue du yoga, et auquel est ajouté un support de compréhension physiologique qui renforce l’importance de si simple et apparent « lavage de nez ».

Neti, est un des satkarma, les 6 actions, décrits dans la Hatha Yoga Pratipika HYP (II-21) et la Gheranda Samhita (I-51,52). Les satkarma sont les 6 groupes de nettoyages dont font partie kapalabhati et trataka. Leur but, tout comme celui du hatha yoga est de créer une harmonie entre les 2 principaux courants praniques, les nadis ida (lunaire, narine gauche) et pingala (solaire, narine droite) afin d’atteindre un état de purification et d’équilibre physique et mental, pour assurer une progression fluide sur le chemin spirituel.

Neti s’apprend traditionnellement d’une personne expérimentée.

Sutra neti se pratique avec un fil imbibé d’huile, ou éventuellement un fil de caoutchouc huilé, introduit par une narine et ressorti par la bouche.

Jala neti, qui est le sujet ici, est un nettoyage des narines et plus largement du nasopharynx, et se pratique avec de l’eau salée tiède versée depuis une narine et qui ressort naturellement par l’autre narine, et est une préparation à sutra neti .

Il existe une version où l’eau est aspirée par la bouche et rejetée par les narines, mais cette pratique est plus avancée.

Bénéfices : Neti purifie le crâne, confère une vision divine, HYP II-30, et est censé guérir les maladies au dessus des clavicules, du nez, des sinus, des yeux ,de la gorge et de oreilles. Il éveille ajna chakra.

Par la stimulation du nasopharynx, situé sous la base du crâne, neti stimule les hémisphères cérébrales, et l’équilibre entre les 2, soit l’équilibre de tout le corps et du mental. La propreté et la stimulation des narines agit aussi sur la qualité du sommeil, sur l’odorat, sur le nettoyage des yeux par la production lacrymale et sur la bonne santé ORL.

Neti enlève le mucus et les impuretés, la pollution des tapis de cils des narines, permettant à l’air de circuler plus librement. Il a un effet calmant sur le cerveau, allégeant l’anxiété, la colère et la dépression, la somnolence, donne une sensation de fraîcheur et de légèreté dans la tête.

Pratique : Pratiquer plutôt en extérieur , de préférence le matin avant asana et pranayama, mais jamais après un repas. La pratique elle-même dure quelques minutes.

Préparer de l’eau tiède , et ajouter du sel de mer (plutôt de la fleur de sel, cristallisée au soleil ) en équivalent de neuf grammes par litre. Bien mélanger dans le lota (éviter le plastique) ou une théière consacrée à cela dont l’embout s’ajuste à la narine. Vérifier la température en versant de l’eau dans la paume de la main, la température de l’eau ne doit pas être perçue différente de celle de la paume.

S’accroupir ou se pencher en avant, dos incliné , genoux pliés ; un coude en appui sur le genou, tourner la tête vers le haut.

Respirer calmement toujours par LA BOUCHE, bouche entrouverte pendant toute la pratique,et ajuster doucement l’embout du lota contre la narine haute pour qu’il n’y ait pas de fuites, le coude levé pour que l’eau coule naturellement de la narine haute à la basse vers l’extérieur. A la moitié du lota, changer de coté, sans se moucher, juste éventuellement essuyer. Quand l’aisance est acquise, un lota plein peut être utilisé pour chaque narine. Lorsque le lota est vide, se relever.

Séchage : il est très important ; le faire sans mouchage, car cela peut provoquer des remontées d’humidité dans les sinus, sous la pression d’une inspir.

1-Debout, genoux pliés, penché en avant, faire kapalabhati, expir narine gauche, la narine droite fermée en tournant la tête à gauche puis alternativement en expirant narine droite, etc, inspir par la bouche au centre, une dizaine de fois ; Puis avec expir par les 2 narines, tête à gauche et à droite.

2-Debout : bhastrika : inspir, dents serrées, lèvres entre-ouvertes (sitkari) en montant les bras au dessus de la tête, bras tendus et doigts écartés, puis expir rapide par le nez, bouche fermée, en se penchant vers le bas, bras vers le bas, une dizaine de fois.

3-Pprendre adho mukha svanasana (chien tête en bas) une dizaine de respirations , pour laisser sortir d’éventuelle gouttes d’eau encore présentes.

Assis : Rester en observation du ressenti quelques respirations.

Remarques : Si on a une sensibilité à l’assèchement des narines, après jala neti, mettre une goutte d’huile alimentaire neutre dans chaque narine. Si une sensation de brûlure apparaît, la teneur en sel ou la température n’est pas la bonne.

La fréquence de la pratique est en fonction des besoins, de la pollution traversée, de l’intention, etc. On peut pratiquer quotidiennement une courte période, puis une fois par semaine ou moins.

Cela se fait traditionnellement selon les indications d’un instructeur avisé.

Contre-indications : en cas d’infections ORL, ou de narine complètement bouchée

Variations indiennes : D’autres liquides sont aussi utilisés pour des indications particulières, comme du lait, du ghee ou du yaourt tièdes.

Une autre pratique concernant les états inflammatoires des narines, est avec l’utilisation de sa propre urine matinale, milieu du jet, nommé amaroli neti.

Le coin scientifique : Jala neti met en contact le nasopharynx (cavum) avec de l’eau salée, pour un nettoyage, une stimulation nerveuse, sanguine et pranique. Nous allons voir que les narines sont bien plus qu’un simple passage de l’air de l’extérieur vers les poumons. Les fosses nasales constituent la partie supérieure de l’appareil respiratoire. Les cavités nasales sont richement vascularisées et innervées. Le nasopharynx est en contact avec l’arrière des cavités orbitaires (yeux), les sinus, la base du crâne, et latéralement avec l’oreille moyenne via la trompe auditive.

2. Coupe transversale Wikipedia
3. Bulbe olfactif et des nerfs olfactifs humains (en jaune). Wikipedia : Patrick J. Lynch, medical illustrator 

Elles contiennent les organes impliqués dans l’olfaction, zone directement en contact avec la base du cerveau.Le système olfactif est le seul système sensoriel chez l’humain à relier directement le milieu extérieur au cerveau. Cet épithélium de 2cm2 est donc un point d’accès potentiel vers le système nerveux central(3).

En plus d’être un organe de réchauffement, de filtration et d’humidification de l’air inspiré, vers les poumons, le nasopharynx est un carrefour de collecte des larmes et du mucus de 4 paires de sinus. Les larmes sont normalement drainées de l’œil à la narine. Cette évacuation se fait via le canal lacrymal, un drain qui part d’un petit point sur la paupière inférieure et se dirige vers la fosse nasale à travers le sac lacrymal.

Les 4 paires de sinus paranasaux débouchent dans les narines. Leur muqueuse produit du mucus, qui joue un rôle important dans la prévention des infections ORL

Les cellules ciliées et le mucus sur les parois des narines éliminent, de l’air circulant, la poussière et les germes. Les cils de épithélium repoussent le mucus vers le pharynx, où il sera dégluti.

L’épithélium est une couche faite de cellules qui sécrètent le mucus destiné à recouvrir les cavités nasales et transportent le sérum lymphatique contenant des enzymes, des agents anti-bactériens et anti-viraux et jouent un rôle majeur dans la première ligne de défense respiratoire du corps.

Cette couche ciliaire est semblable à un tapis de millions de cils microscopiques qui piègent les irritants aériens et les propulsent vers le nasopharynx à la façon du mouvement d’une vague.

Si le mucus est suffisamment dilué et que le nez n’est pas trop sec, on ne sentira même pas que l’on est, de fait, en train d’avaler du mucus de manière permanente. Une personne en bonne santé avale en moyenne 0,65 litre de mucus par 24 heures.

Le nasopharynx est constitué de 3 cornets, (1 et 2) véritables tubes de réchauffement et d’humidification de l’air inspiré, filtres permanents, dont l’entrée est variable en fonction de nos besoins de rapidité de ventilation. Le nasopharynx est constitué de 3 cornets, (1 et 2) véritables tubes de réchauffement et d’humidification de l’air inspiré, filtres permanents, dont l’entrée est variable en fonction de nos besoins de rapidité de ventilation. De plus il existe une alternance d’ouverture-fermeture de l’entrée de chaque narine, variable selon les individus, autour de 1h30.

Image: https://www.wikiwand.com/fr/articles/Syndrome_du_nez_vide

On voit donc que l’intuition et l’expérimentation des yogis rejoignent les connaissances actuelles sur des fonctions très fines liées à l’entrée de l’appareil respiratoire, celles-ci confortant l’importance d’un fin et régulier nettoyage, au vu de la primauté donné à la qualité subtile du souffle en yoga, portée par le prana.

Pour aller plus loin :

Pour aller plus loin :

Document élaboré avec l’appui de « Asana, pranayama, mudra, bandha », de Swami Satyananda Sarasvati de la Bihar school of yoga, 2013

Télécharger le document pdf. Christine Chaput, 02-2025