Effet placebo. Quels mécanismes ? Implication pour le yoga ?

L’effet placebo est aussi vieux que la pratique médicale et les recherches sur le sujet s’accélèrent ces dernières décennies. Que comprend-on de ce phénomène psychobiologique ? Quelle implication pour le yoga ?

L’effet placebo est aussi vieux que la pratique médicale et les recherches sur le sujet s’accélèrent ces dernières décennies. Que comprend-on de ce phénomène psychobiologique ? Quels liens avec notre pratique de yoga ?

Bernard Klein,

Le corps humain est une entité sophistiquée impliquant un dialogue permanent et vital entre le système nerveux central et périphérique, les tissus et organes, mais également le microbiote qui tapit nos muqueuses. Le stress, une mauvaise alimentation, peu d’activité physique, une mauvaise hygiène de vie peuvent entraîner des déséquilibres et conduire éventuellement à des pathologies.

L’effet placebo. Pour reprendre la définition de Wikipedia, un placebo (du latin placebō : « je plairai », de placeō : « je plais ») est un procédé thérapeutique, sans principe actif documenté, mais agissant sur le patient par des mécanismes psychologiques et physiologiques.

Souvent ignoré ou méprisé par le corps médical, Il est pourtant connu depuis longtemps que la prise d’une substance sans principe actif démontré (par exemple de l’eau sucrée), le dialogue entre médecin et patients, des massages, même une chirurgie placebo (sans toucher un organe) peuvent avoir une efficacité thérapeutique importante et prolongée. Dans les maladies inflammatoires rhumatismales, les études cliniques en aveugle montrent une efficacité importante du placebo. Des médicaments considérés comme efficaces améliorent les scores cliniques de référence chez 40 à 60 % des patients, mais un placebo est efficace suivant ces mêmes scores chez 20-40 % des patients1. De même chez les patients atteints de dépressions, les études cliniques randomisées montrent une efficacité de 50 % des anti-dépresseurs versus 35 % pour un placebo2. Dans le syndrome du colon irritable, des améliorations (douleurs abdominales, ballonnements, transit irrégulier) sont observées avec un placebo chez 30-50 % des patients, la différence entre médicaments et placebo étant de 10-30 % 3. Et un placebo a une efficacité chez 40 % des patients atteints d’asthme4.

Doit on considérer que dans ces pathologies une bonne partie de l’efficacité d’un médicament est due à un effet placebo ou y a t’il un effet additif/synergique entre le médicament et l’effet placebo ? Pas de réponse pour le moment.

Etant donné l’efficacité thérapeutique de l’effet placebo, son coût faible, son absence de toxicité, de nombreuses études ont identifié certains des mécanismes sous-jacents, avec la possibilité de les amplifier de façon contrôlée.

Ces études montrent qu’un placebo (“se faire plaisir”, “se rassurer”) stimule des zones spécifiques du cerveau visibles en imagerie médicale, entraînant une cascade de production de neuromédiateurs et hormones (dopamine, endorphines, sérotonine, oxytocine, adrénaline, noradrénaline, cortisol) qui vont moduler la douleur, l’inflammation, le système immunitaire, les poumons, le système digestif, en autres5.

En sens inverse, on peut imaginer les dégats occasionnés par un stress prolongé, une mauvaise hygiène de vie, une mauvaise alimentation.
Par exemple, des reportages sur une formulation possiblement dangereuse d’un médicament thyroïdien ont entraîné une augmentation de 2000 fois des effets indésirables, ciblant uniquement la survenue du symptôme indiqué dans les médias.

Pour les personnes intéressées, ce reportage de Radio-France fait un état des lieux des dernières découvertes et donne quelques bases bibliographiques. Pour les personnes très intéressées, est listée sur le site jips une sélection des nombreux articles scientifiques sur l’effet placebo.

Je vois souvent des annonces de stages/ateliers sur yoga et santé, yoga et thérapie, pour lesquels les intervenants ou participants relatent un effet bénéfique. Nos pratiques de yoga agissent directement sur notre cerveau en maîtrisant le flux mental, mais aussi sur nos systèmes respiratoire et cardiovasculaire, nos muscles, nos articulations et notre squelette. Elles amplifient ce dialogue continu et essentiel entre cerveau et corps.

Quel est la part d’un effet placebo ? Dans les milliers d’articles de nos 37 ans d’archives de notre revue Regard, le mot placebo n’est pas utilisé une seule fois. Intéressant ! Après lecture de cet article, vous serez probablement d’accord avec moi que la pratique du yoga a un effet placebo, au sens étymologique : “se faire plaisir”, “se rassurer” et cet effet placebo est important pour un pratiquant débutant. Mais la pratique du yoga à long terme permet la découverte et l’apprentissage d’un mode de vie visant à apaiser le mental pour s’ouvrir aux vibrations du monde. Est ce qu’une pratique approfondie met en oeuvre des processus neuro-biologiques plus profonds que ceux sous-jacents à l’effet placebo ? Nous aurons probablement la réponse un jour si ce mental humain si excessif et déséquilibré proné par nos sociétés modernes ne détruit pas l’espèce humaine, en éteignant en autre ces processus.

Références

1. Treatment of axial spondyloarthritis: an update. Abhijeet Danve, Atul Deodhar, Nat Rev Rheumatol. 2022 Apr;18(4):205-216.

2. Placebo response in depression: is it rising? The Lancet Psychiatry. Volume 3, Issue 11. p005-1006. 2016

3. Components of placebo effect: a randomized controlled trial in patients with irritable bowel syndrome. Kaptchuk TJ, Kelley JM, Goldman P, et al. PLoS One. 2008;3(12):e3962.

4. Active albuterol or placebo, sham acupuncture, or no intervention in asthma; Michael E Wechsler 1, John M Kelley, Ingrid O E Boyd, Stefanie Dutile, Gautham Marigowda, Irving Kirsch, Elliot Israel, Ted J Kaptchuk. N Engl J Med. 2011 Jul 14;365(2):119-26.

5. Placebo and Nocebo Effects. Luana Colloca, Arthur J Barsky. N Engl J Med. 2020 Feb 6;382(6):554-561.