Mosaïque par Françoise Klein
Françoise Klein
« L’essence de l’art n’existe pas. Je crois à l’artisticité plus qu’à l’art et j’en vois partout… »
« Ce que l’artiste aime d’abord, ce qui l’inspire, ce sont les matériaux: que ce soit du marbre, des mots, le silence, son propre corps… »
Bernard Sève « Les matériaux de l’art », édition du Seuil
Tout d’abord ouvrir grand les yeux sur le monde… je marche et je regarde…par terre ! En randonnée, pierres qui brillent au soleil ou rincées par la pluie, que je recherche de la bonne épaisseur, de la bonne taille, et je trouve aussi coquilles d’escargots, écorces, faïences, que pourrais-je donc en faire ? Sur la plage c’est l’embarras du choix, galets polis par la mer, tout ronds, blancs translucides ou plats d’un noir profond, ou mélange de multiples couleurs, coquillages, morceaux de verre que l’océan a rendu tout doux et que je ressens si précieux dans le creux de ma main. Mon sac s’alourdit, je me sens riche à l’intérieur d’une créativité qui se cherche.
Et toutes ces matières nées du savoir-faire humain : carrelages brillants de toutes les couleurs, grès mat. Et la richesse infinie du verre ! Le reflet du miroir, l’éclat des perles, la transparence des billes…
Et cette vaisselle qu’il suffit de casser pour se retrouver à la tête d’une multitude de fragments, supports à l’imagination ! A la maison, les étagères accueillent ces merveilles dans des boites transparentes, bocaux… Cela pourrait presque suffire !
Ces matériaux offerts par la nature, ramassés au détour d’un chemin, sur le sable, ces matériaux que le génie humain a su transformer en objets chatoyants, j’ai envie de les « honorer ». De les assembler, de les faire dialoguer, de créer à partir d’eux un nouveau sens qui m’est propre. Déconstruire pour reconstruire autrement, séparer pour assembler à nouveau, selon ma vision.
C’est cela la mosaïque ! Partir de ce qui est dispersé, morcelé, fractionné, partir du multiple, sensible à l’infinie variété du monde, à la beauté de chaque petite parcelle, et recomposer un motif, assembler couleurs et textures, faire se répondre le mat et le brillant, jouer des formes et des alignements…retrouver une unité. Ce que j’aime dans la mosaïque, c’est partir du réel, de ce qui est là, de ce qui m’est donné. Toucher et être touchée.
Mais ce que je recherche avant tout, c’est la lumière. La lumière réfléchie par la mosaïque. C’est pourquoi la mosaïque ne supporte pas la photo. La photo lui fait perdre son éclat.
Je la regarde sans me lasser, au fil des heures et de l’éclairage elle se transforme, elle reflète autrement. Je me promène dans la pièce car elle n’aime pas trop qu’on la fixe de face ! Elle préfère le regard de biais, un peu rasant.
Ce que je vois n’existe que pour moi, pendant l’instant et selon l’endroit d’où je contemple. La mosaïque est changeante comme la vie ; elle ne peut être figée. Elle n’offre pas une image unique mais des points de vue toujours nouveaux. Mon regard s’y perd, le temps s’arrête.