Son odeur après la pluie. Cédric Sapin-Dufour

Ce livre est arrivé à moi suite au décès de mon chien Jedi, et mon premier réflexe a été de le laisser de côté. Puis, enfin, une lecture d’été, qui m’a beaucoup surprise.
Le coup de coeur de Lucile Jouvenel.

Ce livre est arrivé à moi suite au décès de mon chien Jedi, et mon premier réflexe a été de le laisser de côté.

Puis, enfin, une lecture d’été, qui m’a beaucoup surprise.

L’histoire, comme le dit la 4ème de couverture : « c’est l’histoire d’amour, de vie et de mort entre un homme et son chien », qui a duré 13 ans.

Ce qui est primordial dans le texte, c’est avant tout leur lien. C’est là que tout se joue. Et c’est bien ce jeu des émotions et cette clarté de relation qui rend cette lecture précieuse car elle devient un support de réflexion sur les lieux et les situations de vie, ouvrant ainsi à un champ plus vaste.

Liberté :

« Pour pénétrer dans la propriété, on passe deux piliers en pierre à tête de lion qu’aucun portail ne rejoint, un jour peut-être. Autour des piliers, pas davantage de clôture, ici on vit à l’air libre mais on rêve de domaine ».

L’évolution de l’espèce et le Vivre ensemble :

« Ils (les chiens) n’ont en commun que d’être des Canis lupus familiaris, descendant du même et seul loup gris. Le temps a fait son œuvre des fantaisies morphologiques et des aiguillages d’humeur, il a conçu des petits pour explorer des galeries, des endurants pour courir les gibiers, des palmés pour sauver des noyers, des doux pour guider les aveugles et des sans autres tâches que de faire partie du monde, ces essentiels inutiles. Toutes les ethnies semblent allègement cohabiter. Pourquoi nous les hommes issus du même singe avons-nous été d’un monomorphisme aussi confondant jusqu’à percevoir dans la moindre nuance de mélanine une distinction radicale et la plus haïssable qui soit ? Aux jeux de la taxonomie, nous n’avons pas hérité de la plus indulgente des cases. Qu’il doit être plaisant de vivre au milieu de mille singularités visibles, l’on se mettrait alors en quête de plus grand qui se nomme l’humanité, notre étoile ou un autre de ces tout qui rallient. Au lieu de cela, nous ressemblant trop, nous préférons nous attacher à ce qui nous désunit. »

Le fonctionnement humain (tout et son contraire) :

« (…) mais les certitudes sont comme les aigrettes du pissenlit : elles s’agrègent en un tout cohérent, et au premier souffle des heureuses perspectives elles s’envolent ».

« (…) en quelques secondes, des heures et des jours de résolution à ne pas céder se transforment en la certitude du contraire. On le sait, s’acharner à se convaincre c’est se préparer à ne plus y croire ».

« En regagnant le van, je ris beaucoup d’avoir cédé et j’en suis, je crois, un petit peu fier. Car si les êtres déterminés ont mon admiration, j’ai pour ceux qui errent un indécrottable petit faible. »

La leçon d’un autre fonctionnement face à soi :

« Il s’enferme joyeusement dans chaque instant que lui offre la vie, épris follement du présent, hermétique à tout le reste puis, à la moindre occasion et sans l’annoncer, il accepte tout aussi volontiers d’en sortir et que sa vie prenne une autre direction que celle envisagée la seconde précédente. D’apothéose du moment en apothéose du suivant, il va, le calcul ne semble avoir aucune place, ne règne que la joie simple et opiniâtre d’exister. (…) c’est réapprendre qu’une heure est faite de soixante minutes valant chacune d’être considérée, s’octroyer le droit de papillonner de l’une à l’autre, se rendre saisissable à la surprise, à l’incertitude, ces sources inépuisables d’espérance. »

Et encore l’impact des relations sur une vie, le déterminisme, la notion de temps, l’attention, le dévouement, l’acceptation, les soutiens, l’intuition, la présence, l’amitié, les choix…

Rien de moins que la Vie est là.

La vie qui interpelle, qui nous met face à nous-même, qui nous dévoile dans le regard les uns des autres.

Ce récit c’est la mise à nu du vivant par l’œil de l’amour, et ce, jusque vers la mort.

Il y miroite l’intimité du parcours vers soi.