LES DIMENSIONS DU SOUFFLE DANS LA PRATIQUE DE YOGA
C'est tout le génie du yoga que d'avoir construit ce pont entre le corps et le mental
Regard dans le rétro: article choisi par Lucile Jouvenel

Regard 11 novembre 1997, un article de Nicole Lemay
Petit exposé sur l’importance du souffle et des techniques respiratoires dans le yoga, proposé par Nicole LEMAY et grandement inspiré par ses entretiens avec François LORIN, ainsi que par des articles de ce dernier dans la Revue VINIYOGA.
En fait, c’est tout le génie du yoga que d’avoir fait le lien entre le corps et l’esprit (dans le sens du mental et de l’activité psychique) par le moyen du souffle.
D’avoir construit ce pont entre le corps et le mental.
D’avoir compris, il y a plusieurs milliers d’années que pour calmer la “machine à penser”, il était nécessaire de passer par un travail sur le corps, et encore bien plus sur le souffle, d’allonger ce souffle et d’utiliser certaines techniques que l’on appelle Prânâyâma.
II faut rappeler que le yoga voit l’être humain composé de cinq corps, ou cinq “sphères”, de la plus dense à la plus subtile :
– le corps physique, apparent
– le corps énergétique, domaine de Prâna
– le corps mental
– le corps spirituel de la connaissance supérieure
– le “corps de béatitude” de nature éternelle.
Nous ne pouvons agir directement que sur les deux premières sphères, parfois sur la troisième par les postures et par les exercices respiratoires.
Pour les autres corps, l’intuition que nous pouvons en avoir résultera du travail et de l’enquête sur les premiers corps.
Pour en revenir au souffle, il est appelé PRÀNA. Nous abordons là le domaine énergétique, subtil, de notre être. Ce mot renferme le préfixe PRA qui lui attribue l’idée de quelque chose d’important. C’est-à dire un rôle fondamental en tant que soutien de la vie.
Le PRÀNA est le souffle vital, donc. Pas seulement le mélange gazeux que nous respirons, mais pour le yoga l’énergie même de la vie, ce qui nous anime.
Dans la « Hatha Yoga Pradipika », texte du Moyen-Age, que j’étudie actuellement avec mon professeur François LORIN, il est dit :
“Quiconque parvient à contrôler le PRANA, contrôle également la pensée (MANAS). Le mental est le seigneur des organes des sens, et le souffle est le seigneur du mental”.
Il existe une relation certaine entre la manière dont nous respirons et la manière dont nous pensons. Quand l’activité mentale est intense, rapide, perturbée par des émotions, la respiration est irrégulière et agitée. On peut agir sur cette respiration, la calmer, la ralentir et la régulariser. Alors le mental fera de même, se calmera, ralentira son activité, se régularisera.
Le yoga prétend qu’à partir du moment où on est capable de ralentir sa respiration, de l’allonger, on peut utiliser le souffle pour agir sur le mental.
La maîtrise respiratoire est la clé que propose le yoga pour fixer l’attention et diminuer l’influence des facteurs de troubles du mental.
La « Hatha Yoga Pradipika » souligne que le moyen essentiel pour développer cette maîtrise est l’écoute du son continu dans la gorge ou au niveau des narines.
Dans la gorge, c’est le son que nombre d’entre nous utilisons déjà, l’Ujjâyî.
Au niveau des narines, ce sont différentes techniques de Prânâyâma qui utilisent les doigts.
La Hatha Yoga propose donc une première démarche, qui privilégie les techniques posturales et respiratoires comme moyen de transformation pour parvenir à la maîtrise de la pensée et de l’esprit.
Une deuxième démarche, connue sous le nom de JNANA YOGA (yoga de la connaissance) donne la préférence à l’action directe sur l’esprit pour le connaître et, à partir de là, réaliser non seulement son contrôle, mais aussi celui du souffle.
Que l’on commence par l’un ou par l’autre, on approche ce contrôle du souffle à un niveau, disons immédiat, qui correspond aux techniques de base du yoga.
Mais à un niveau plus subtil, il s’agit d’un contrôle dans le sens d’une amélioration en profondeur de l’activité respiratoire au niveau cellulaire.
La pratique respiratoire du yoga vise à modifier les échanges gazeux, non seulement au niveau des poumons, mais aussi au niveau des cellules.
Par des inspirations très larges et des rétentions poumons pleins, associées à des postures en ouverture, on va augmenter la quantité d’oxygène dans le corps, jusqu’aux cellules et obtenir un effet de tonification d’éveil, voire un effet légèrement euphorisant.
Par de longs expirs, avec des arrêts poumons vides et des postures en fermeture du corps, le taux de gaz carbonique va augmenter, cela aura un effet apaisant.
Précisons que de toutes façons, les respirations allongées et les arrêts de souffle, en diminuant la fréquence du mouvement respiratoire, amènent le yogi à supporter progressivement un taux de gaz carbonique plus élevé. On fait ces respirations profondes en les combinant avec un mouvement corporel, des pressions, des torsions.
Les deux régions les plus importantes, associées à cette respiration, sont la colonne vertébrale, à laquelle sont attachées les côtes et le diaphragme, muscle expirateur essentiel, avec les abdominaux.
Il existe un niveau plus profond, associé au souffle cosmique. C’est le fameux “Petit Univers” de l’homme, identique au “Grand Univers” cosmique. Les anciens pensaient déjà que les souffles qui nous parcourent (fluides, flux électriques, chimiques et hormones) sont en correspondance avec les grands souffles ou les grandes forces de l’Univers, qui gouvernent les changements climatiques ou le mouvement des astres.
A travers l’activité du yoga, on parvient à prendre réellement conscience très profondément de ce qui se passe à l’intérieur de soi, en terme d’énergie, mais aussi dans le cosmos tout entier.