La Bhagavad gîta et la vie, un regard de Peter Hersnack.

Cette page est un bref extrait du compte rendu d’un stage donné par Peter Hersnack à la Falaise verte durant l’été 2013. Le thème en était « Autonomie, engagement, action : 3 clés pour une ouverture sur le chemin du yoga et dans la vie – dialogue entre la Bhagavad gîta et le Yoga sûtra... » Dans cet extrait qui traite de la Bhagavad gîta, Peter propose son regard sur le texte et sur la vie.

Regard dans le rétro, une proposition de Lucile Jouvenel: le mois d’octobre est sous le signe de la Bhagavad Gita grâce aux « Automnales » avec Ludovic Borrel, un coup d’oeil sur la clef usb et hop, en guise de préparation au stage quelques réflexions sur ce texte tirées du Regard n°52 d’octobre 2016.

Ce compte-rendu fait partie des hommages à Peter Hersnack, formatreur de yoga, regroupés dans ce Regard.

Nota: si vous en avez la curiosité, vous trouverez beaucoup d’autres références à la Bhagavad Gitâ sur notre clef usb, pour entamer ou poursuivre la réflexion en attendant les propositions de Ludovic Borrel.

LEÇON DE VIE

Cette page est un bref extrait du compte rendu d’un stage donné par Peter Hersnack à la Falaise verte durant l’été 2013. Le thème en était « Autonomie, engagement, action : 3 clés pour une ouverture sur le chemin du yoga et dans la vie – dialogue entre la Bhagavad gîta et le Yoga sûtra… » Dans cet extrait qui traite de la Bhagavad gîta, Peter propose son regard sur le texte et sur la vie.

ACTION ET DÉTACHEMENT

Dans le livre VI du Mahâbhârata, la Bhagavad Gîtâ raconte l’enseignement donné par Krishna à son ami Arjuna au milieu du champ de bataille. Le fil rouge de cet enseignement est la notion de dharma et la place primordiale de l’action dans notre être au monde. Le mot dharma (racine verbale √dhr, « tenir, soutenir, maintenir, porter, supporter ») évoque à la fois ce que nous devons porter, dans le sens de « devoir », et ce qui peut nous porter. La mise en scène de la Bhagavad Gîtâ est unique et courageuse : un enseignement spirituel est donné au milieu d’un champ de bataille, aussi nommé dharma ksetra, le champ de dharma. Là, entre les deux armées, Arjuna est dévasté par un doute qui met en jeu toute son existence. Dans chacun des camps face à face, il reconnaît des membres de sa famille et ses professeurs vénérables. Tuer les uns ou les autres, est un crime pour lui injustifiable. Quel peut être le support à son action ? Une expression en Inde dit que le doute est ce qui dévore son propre support : Arjuna n’a plus de support, c’est comme si la terre elle-même s’effondrait sous ses pieds et il implore Krishna, son cocher et son maître, de l’aider à y voir clair. La première réponse de Krishna (chant II) est que ce qui est source de vie en nous, est au-delà de tout changement, au-delà de la naissance et de la mort. En prenant refuge sur cette source, nous voyons le monde comme il est, et nous nous détachons des fruits de l’action. Au cœur de l’action, les fruits de l’action n’existent plus pour nous. Détachés, nous voyons clair, et, voyant clair, nous sommes détachés de la domination de nos sens. Le détachement même devient source d’action : détachés, rien ne nous empêchera d’agir.

LE SUPPORT POUR L’ENGAGEMENT

Dans le chant III, Krishna poursuit son enseignement sur l’action et le détachement. Selon lui, le détachement est supérieur à l’action, mais l’action est supérieure à la non action et personne ne peut s’abstenir d’agir : l’existence même de notre corps et notre être au monde dépendent de l’action. Le monde entier est en action et le monde est en nous. Parce que le mouvement du monde est cyclique, il faut participer. Recevoir sans donner, n’est ce pas être un voleur ? Agir, oui, mais pas pour soi, agir comme un sacrifice pour soutenir le monde et seulement par ce sacrifice, rester libre et détaché. Rester dans son propre dharma, et ne pas se fourvoyer sur qui on est en cherchant à vivre le dharma d’un autre, au risque de toujours être victime de la peur.

RETOUR SUR SOI

Dans l’épopée du Mahâbhârata, Arjuna est un héros fort et disponible, prêt à affronter toute épreuve, libre et juste dans ses actes. Ici, au début de la Bhagavad Gîtâ, dans une situation qui le dépasse, il perd pied. Il est à côté de lui-même et n’a plus de force. Quelle est la réponse de Krishna ? Son enseignement renvoie Arjuna à lui-même, l’aide à retrouver une relation intérieure qui le remet dans son axe. Tête, cœur et bassin reliés, Arjuna retrouve une vision claire. Là, au fond de lui, il peut sentir ce qui est et ce qui est à faire.

L’ACTION JUSTE

Dans le chant IV, Krishna revient au mystère de l’action et du sacrifice. Celui qui voit la non action dans l’action, et l’action dans la non action, est le clairvoyant parmi les hommes. Parce qu’il est détaché, il accomplit simplement et complètement son action sans garder de lien avec elle. L’action est une offrande donnée ; elle est sacrifiée dans le feu de la connaissance de ce qui est. Une telle action est comme un souffle où l’IN se sacrifie dans l’EX, et l’EX se sacrifie dans l’IN. Rien n’est retenu.

AU CŒUR DE LA VIE

Le dialogue entre Krishna et Arjuna pousse loin le questionnement sur la vie et la condition humaine. En passant par le détachement, l’action, la connaissance et la foi, progressivement, Arjuna se découvre et Krishna se révèle. Arjuna découvre ce qui est source de vie en lui, et, regardant le monde, il commence à voir l’essence impérissable dans tout. Krishna se révèle comme la Vie elle-même qui invite encore et encore Arjuna à lui offrir toutes ses actions. Krishna dit même : « Viens chez moi, prends refuge chez moi, je prendrai sur moi toutes tes fautes ». Paradoxalement c’est par l’abandon qu’advient l’autonomie. C’est par l’abandon à la Vie que s’ouvre l’accès à une conscience en nous qui sait quand agir et ne pas agir.

LA TRANSMISSION

A la fin de la Bhagavad Gîtâ, dans le chant XVIII, Krishna déclare : « Et qui lira ce dialogue essentiel, que nous avons tous deux, fera par-là acte de connaissance et ainsi, m’aimera, voilà ce que je pense. Qui ne pourra que l’entendre de tout son cœur et sans vains préjugés connaîtra la libération et atteindra les mondes lumineux qui s’ouvrent aux actes justes ». (Traduction A. Porte, Edition Arléa) Par ces mots Krishna nous place dans la position d’un troisième, là où la transmission peut être reçue. En prenant appui sur ce dialogue entre clarté et confusion, entre la parole de vie et la parole de désespoir, en entrant dans le point de vue de chacun, un espace de dés-identification s’ouvre en nous. C’est un espace de possible, un espace qui ouvre la possibilité d’un nouveau regard, un regard autonome animé par le vivant.

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