JAPON, TERRE DE CONTRASTES ET D’EMOTIONS

Il y a tellement de choses à voir dans ce pays, que choisir où aller pour s'imprégner au mieux de la culture Japonaise n'est pas chose facile. Mon choix, au final : la région du Kansai et une préférence pour les villes de Osaka, Kyoto, Kobe et Nara.

Jean Pierre Bonnet

Rassurez-vous, je ne vais pas vous proposer un circuit touristique pour visiter le Japon (le ” Routard ” et d’autres le font déjà très bien), mais plutôt vous partager quelques unes des impressions ressenties pendant mes quinze jours de voyage.

Il y a tellement de choses à voir dans ce pays, que choisir où aller pour s’imprégner au mieux de la culture Japonaise n’est pas chose facile.

Mon choix, au final : la région du Kansai et une préférence pour les villes de Osaka, Kyoto, Kobe et Nara.

Lorsque je pose enfin les pieds sur le sol Japonais, mon premier ressenti est… une grande lourdeur au niveau des jambes. Non, ce n’est pas le sol qui propage des ondes mystérieuses, mais simplement la conséquence de quatorze heures de vol. J’en conviens, ce n’est pas très exotique comme sensation, mais elle est cependant bien réelle.

Première étape : le mont Koya (Koyasan) au sud-est d’Osaka, et, selon certains, la montagne la plus sacrée du pays. Je comprends assez rapidement pourquoi. Plus de 100 temples couvrent la montagne. C’est un lieu paisible entouré de forêt. Respirer la bonne odeur des cèdres, pins et cyprès est un véritable plaisir.

Je me souviens avoir fermé les yeux pour vivre pleinement ce moment si… particulier.

J’ai eu la chance de pouvoir réserver la première nuit dans un des quelques temples qui accueille des voyageurs. Un vrai temple avec des vrais moines.

En pénétrant dans cet endroit, j’ai vraiment eu l’impression de basculer dans un autre monde, et, surtout, dans un autre siècle. Les moines en tenue traditionnelle, les planchers en bois, les tatamis, les shoji (portes coulissantes en papier blanc translucide) et le jardin zen. Tout est là !

Soirée assez magique avec repas végétarien typique, servi sur table basse (très basse!). Et bain chaud japonais à plus de 40 degrés. Humm !

Moins magique, la nuit glaciale sur futon et couette trop courte. Pas grave ! Le lendemain matin, à 6h30, j’ai été récompensé, et je me suis senti privilégié de pouvoir assister à la prière bouddhique, avec récitation de mantras et cérémonie du feu (vœux écrits sur une plaquette en bois et déposés dans les flammes pour qu’ils se réalisent). C’était MAGNIFIQUE.

Le printemps n’est pas encore là, le soleil non plus. Il fait très froid à 900 m d’altitude.

Il est 10 h. Les touristes ne sont pas encore arrivés. C’est le moment idéal pour déambuler dans l’immense cimetière “Okunoin”. L’endroit est calme et mystérieux, avec ses 200 000 pierres tombales et lanternes, datant pour les plus anciennes du XIe siècle. Elles sont protégées par une dense forêt de cèdres multicentenaires. Tous mes sens sont en éveil. En quelques secondes, mon imaginaire me transporte en l’an 1000 et des funérailles de samouraï se déroulent à mes pieds.

Changement de lieu, changement d’ambiance, me voilà à Osaka, la ville aux 800 ponts.

Ce qui m’a surpris, dans un premier temps, c’est le calme de la rue malgré les voitures, les vélos, les passants. Pas un coup de klaxon, pas un éclat de voix. Respect mutuel, le buste régulièrement incliné vers l’avant. Ce n’est donc pas une légende, les japonais se serrent peu la main mais se saluent beaucoup.

Les touristes affluent dans le quartier de Dotonbori, très vivant et très lumineux la nuit. Je m’y sens étrangement bien, moi qui fuis habituellement ces endroits surpeuplés. Je me laisse porter par le flot humain et guider par les bonnes odeurs de nourriture.

Justement, parlons-en ! Voilà quelque chose d’assez fabuleux dans ce pays. On peut manger de tout, tout le temps, partout et pas cher. La difficulté n’est donc pas de trouver mais de choisir.

Soupes diverses et variées (ramen, udon) avec ou sans nouilles ; omelettes ; légumes et poissons frits (tempura) ; nouilles au sarrasin (soba) ; raviolis à la vapeur (gyosa) ; beignets ronds de poulpes ou crevettes (takoyaki) ; brochettes de viandes ou d’abats (yakitori), sans oublier, bien sûr, les sushis, goûteux et généreusement garnis. La liste n’est évidement pas exhaustive.

Je comprends, ça vous met l’eau à la bouche, ou le thé si vous préférez ! J’ai d’ailleurs régulièrement accompagné mes repas de thé Matcha (thé vert en poudre).

La nourriture nippone, riche et raffinée, mériterait à elle seule tout un article. Là aussi, de très bons et beaux livres se trouvent en nombre sur les étals des libraires.

En déambulant dans les rues d’Osaka, je prends conscience de l’influence de la culture sur le fonctionnement urbain et l’attitude de ses habitants. Les rues sont très propres. Il est interdit de fumer dans les rues et les espaces publics (passible d’amendes), mais, étrangement, la tolérance est de mise dans les restaurants dont certains sont équipés de box ” spécial fumeurs “. Les moindres travaux sont encadrés par des employés, bâton lumineux à la main et sourire aux lèvres, pour aiguiller le passant vers le chemin à suivre. Sur le sol de toutes les rues principales, des rainures guident les non-voyants, et des avertisseurs sonores aux chants d’oiseaux leur annoncent que le feux est vert pour eux.

Au fait, à moins d’avoir un sens inné de l’orientation, mieux vaut ne pas oublier son téléphone en mode GPS. À Osaka, les noms des rues ne sont écrits qu’en japonais. Se diriger avec un plan papier, à l’ancienne, est peine perdue. En même temps, les habitants, qui parlent de plus en plus anglais, sont prêts à se mettre en quatre pour vous aider. Et ça fait chaud au cœur !

Mais le Japon ne serait pas le Japon sans ses temples et sanctuaires qui parsèment les villes. C’est vrai à Osaka, mais ça l’est encore davantage à Kyoto, la capitale culturelle, où quelques deux mille édifices religieux ont été recensés.

De toutes tailles et de formes variées, bordés, la plupart du temps, de jardins aux arbres magnifiquement taillés en nuage. Une véritable tradition ici !

On peut aussi se laisser captiver par les fameux jardins “zen”. Parfois “secs”, composés de sable, graviers, rochers et mousses. Ils semblent dépouillés et sont pourtant chargés de symbolismes. Ils appellent à la contemplation et à la méditation, ” pas à pas “.

Le temple bouddhique “pavillon d’or” (Kinkakuji) est mon préféré. Il est recouvert d’or pur. Une véritable merveille qui se reflète sur la surface du petit étang qui l’entoure.

Temple Pavillon d’or

J’ai également beaucoup aimé le Kiyomizu-dera . Très imposant, construit sur des pilotis de dix-huit mètres de haut. Son immense terrasse est l’endroit idéal pour admirer le coucher de soleil sur la ville. Tel que je l’écris, vous pourriez imaginer que je suis seul à regarder le “soleil couchant” au pays du “soleil levant”… Que nenni ! J’ai dû jouer des coudes pour accéder à la rambarde. Nous sommes des centaines à avoir eu la même idée. C’est le jeu ! Je ne regrette rien.

Un lieu très populaire également, et qui m’a particulièrement marqué, se situe à Fushimi Inari. Un chemin de dix mille Torii (portails traditionnels shintoïste de couleur orangée), espacés d’environ cinquante centimètres les uns des autres, sillonne la montagne et demande aux pèlerins deux bonnes heures de marche pour le parcourir.

Torii

Au bout d’une heure, le touriste se fait plus rare. J’apprécie alors le calme, le chant des oiseaux dans la forêt dense, et la brume qui danse au milieu des Torii.

Ces portails sont des dons faits à Inari, déesse du riz. Je célèbre ce moment et remercie tous les donateurs qui ont permis à cet endroit unique d’exister.

Le retour au centre de Kyoto contraste fortement avec ce que je viens de voir. Une pause s’impose, avec une boisson chaude et une pâtisserie (chut !!!). Pourquoi pas un café ? Les japonais en sont de grands amateurs. De nombreux torréfacteurs sont installés en ville. Mes narines sont régulièrement titillées par les bonnes odeurs aux notes complexes et subtiles qui s’échappent des cafés…

Je tenais absolument à voir le fameux quartier du Gion, le quartier des Geishas. Elle s’y déplacent à petits pas dans leur tenues traditionnelles. Elles vivent dans des maisons typiques, en bois, souvent bordées d’une rivière. Là encore, le contraste entre modernité et tradition est saisissant.

Souvent confondues à tort avec des courtisanes, elles sont expertes dans les arts traditionnels japonais. Je pense évidement à la cérémonie du thé, qui requiert une parfaite maîtrise des codes et des gestes.

Il se dégage des ruelles, un charme d’antan qui laisse imaginer l’ambiance qui pouvait y régner aux siècles passés. Je suis toujours un peu impressionné de découvrir dans le réel, des personnages et des lieux que l’on voit habituellement dans des films ou reportages.

Mais une image me fait sourire. Celle d’une geisha, visage fardé de blanc, dans son kimono coloré, et… son téléphone portable à la main. Comme quoi, au Japon, la technologie n’est jamais très loin.

Le ciel s’assombrit sur Kyoto, et la pluie se met à tomber. Il pleut beaucoup dans cette région. Les nombreuses rues commerçantes sont couvertes, et les trottoirs des avenues principales le sont également. Ici, tout est pensé “parapluie”. Vous en trouvez absolument partout. Il existe même des parkings à parapluies qui se ferment à clé. Si, si ! Et là où il n’y a pas de quoi le “garer”, des systèmes d’emballage (le plus souvent dans les grands magasins et centres commerciaux) permettent de le protéger. La fine protection en plastique évite que le “pépin” dégoulinant ne crée des ennuis.

Les grandes stations de métro et de trains sont une bonne façon d’échapper aux averses. Boutiques et lieux de restauration, bien sûr, ne manquent pas.

Les japonais adorent les trains ! Lorsque l’on a compris le fonctionnement des différentes lignes et des nombreux pass existants, il est facile de se déplacer. Avec les trains de type RER, grandes lignes, ou rapides comme le SHINKENSEN (TGV japonais), on peut aller quasiment partout. Certains sont très colorés, d’autres luxueux. Et dans tous les cas, toujours à l’heure !!!

De temps en temps, un contrôleur-qui-ne-contrôle-pas, se déplace d’un coté à l’autre de la rame, se retourne et s’incline devant l’ensemble des passagers. Comme pour leur souhaiter ” bon voyage ” ! Étrange et amusant ballet pour un œil non averti.

C’est donc en train, vous l’aurez deviné, que je me rends à Kobe, la porte des esprits. Ville mondialement réputée pour ses bœufs et leur viande labellisée. Elle est marbrée de blanc (de la bonne graisse paraît-il), fondante, au léger goût de noisette… Bref ! Délicieuse en steak ou en brochettes.

Le secret ? Les bœufs sont choyés. Aucun stress. Herbe riche, massés au saké régulièrement. Et je me demande même s’ils n’écoutent pas de la musique classique. Si je ne devais pas finir dans une assiette, je me réincarnerais bien dans un bœuf de Kobe.

Petit déplacement, en bus cette fois-ci, pour cheminer vers le mont Rokko qui domine la ville. A ses pieds, la station thermale de Arima Onsen. Elle est une des trois plus anciennes sources d’eau chaude du Japon. L’eau bienfaisante est partout. Les vapeurs qui se dégagent de chaque caniveau offrent à ces lieux une ambiance assez mystérieuse.

Dans la rue qui longe un onsen public, une sorte de pédiluve d’eau à plus de quarante degrés, détend les orteils des passants et randonneurs. Quel plaisir (j’allais dire “quel pied”) de tremper ses jambes dans cette eau brune, riche en fer et en sel. Et quel contraste entre la neige qui tombe à gros flocons et la chaleur de la source. J’adore !!!

Pour la dernière étape de mon séjour, j’ai choisi la ville de Nara. Petite par sa taille mais grande par son histoire. Ancienne capitale et berceau de la civilisation de l’empire du soleil levant, de la religion, des arts et de l’artisanat.

Le premier temple bouddhiste fut construit ici même. Mais lorsque l’on arrive au centre ville, c’est la présence de nombreux daims en liberté qui capte mon attention. Considérés comme des messagers des dieux, ils sont vénérés par les boudhistes. Peu farouches, ces animaux sont habitués à la présence de l’homme, et surtout, attirés par les galettes de riz qu’on leur tend. Vendues au abords des parcs, c’est la seule nourriture autorisée pour préserver leur santé.

Pour réclamer leur friandise, les moines ont appris aux daims à hocher la tête. Comment rester insensible à cette marque de respect, bien motivée, je l’admet, par la galette.

Nara est aussi la ville du thé, mais je ne m’attendais pas à une telle diversité ! Du thé vert en poudre (matcha) que j’ai déjà évoqué, du thé vert parfois mélangé à du riz grillé pour accompagner les plats de poisson, du Gyokuro, thé vert de grande qualité, dont les plans sont couverts les trois dernières semaines pour favoriser la production de caféine. Il a un goût fin, subtil, sucré. Il est servi en général au petit déjeuner. Et tant d’autres encore… Ils ont tous une odeur différente, plus ou moins raffinée.

Impossible de rentrer en France sans quelques boites. Juste pour le plaisir de prolonger le plaisir !

Je voudrais aborder maintenant le sujet le plus sensible du voyage : le Sakura ! Traduisez, la floraison des cerisiers, tellement connue à travers le monde. Pourquoi sensible ? Parce que ça devait être la “cerise” sur le gâteau du voyage (petite précision, les cerisiers japonais ne font pas de fruits).

La plupart des touristes choisissent d’ailleurs cette période de fin mai début avril pour visiter ce pays. Les calendriers spécialisés nous annonçaient la floraison pour la dernière semaine du mois de mai… mais la pluie et le froid en ont décidé autrement. Seuls les pruniers, en avance sur leur congénères à fleurs, se sont révélés un régal pour mes yeux.

Le mont Yoshino et sa colline aux trente mille cerisiers est restée verte et brune.

Mais le temple shintoïste Mikumari, que je découvre, caché et perdu au milieu de la forêt de cèdres, me met du baume au cœur. C’est un temple étonnant, différent. Tout en bois, très arboré, très authentique, avec cette impression que rien n’a bougé depuis plus de mille ans. Si un samouraï avait surgi, katana à la main, je n’aurais pas été surpris. Enfin… pas trop !

Déçu ? Peut-être un peu quand même. Mais, malgré les aléas du climat, j’ai vécu tellement de moments magnifiques ! Alors oui ! Le Japon est bien cette ” terre de contrastes et d’émotions ” que je rêvais de découvrir. Ce pays restera à jamais gravé dans ma mémoire.

Jean-Pierre Bonnet