Du yoga à la yogathérapie. N° 1
Par Christine Chaput

À la fin de mes études de professeur de yoga, j’ai suivi un stage spécifique pour femmes enceintes, animé par Jacques Thiebault, remarquable enseignant. Cet apprentissage, vécu alors que j’attendais mon premier enfant, a profondément marqué ma conscience de l’importance d’adapter les cours aux spécificités de chacun.
Après la disparition de Peter Hersnack, j’ai souhaité approfondir la yogathérapie. Le destin m’a conduite vers Acharya Neeraj Yogi, yogi et yogathérapeute, avec lequel je continue aujourd’hui à me former.
Christine Chaput
La santé est l’une de nos plus grandes richesses.
L’OMS la définit ainsi : « La santé est un état de bien-être physique, mental et social, et non simplement l’absence de maladie, et ce, sans distinction d’origine, de religion, de croyance politique ou de situation économique et sociale. »
Depuis toujours, les êtres humains ont recherché et trouvé des moyens variés pour soulager les multiples souffrances de l’humanité.
La santé peut être comprise comme un état dynamique où les différentes dimensions de l’être – physique, énergétique, émotionnelle, mentale, intellectuelle et spirituelle – cherchent à entretenir ou rétablir l’harmonie globale (homéostasie). En yoga, ces cinq enveloppes sont appelées kosha : annamayakosha, pranamayakosha, manomayakosha, vijnanamayakosha et anandamayakosha.
La maladie apparaît lorsque les capacités d’autoguérison sont dépassées et que cette harmonie se rompt. Cette dysharmonie constitue un terrain favorable aux troubles internes, qu’ils soient liés à des influences extérieures ou à des perturbations internes, jusqu’au niveau des cellules. Elle peut entraîner de mauvaises décisions, des réactions inappropriées ou des accidents, car tout déséquilibre affecte aussi l’émotionnel et le mental.
Le yoga est une philosophie de l’équilibre. Il nous éloigne des excès comme des manques, et nous aide à prendre conscience de ce qui est juste et bénéfique pour nous à un moment donné, tout en permettant les ajustements nécessaires. De ce fait, il s’impose naturellement comme une voie pouvant être appliquée au rétablissement de la santé.
Dans la tradition, la maladie naît d’un déséquilibre : celui des cinq bhuta (éléments : terre, eau, feu, air et éther), des trois guna (tamas, rajas, sattva) ou, en ayurveda, des dosha (kapha, pitta, vata). Yoga et ayurveda sont intimement liés, chacun enrichissant la compréhension de l’autre.
Les Yoga Sutra offrent une base solide pour orienter le yoga vers la yogathérapie.
- L’absence de maladie est considérée comme une condition première sur la voie du yoga, la maladie étant décrite comme le premier obstacle intérieur (YS I-30).
- YS II-16 : « La souffrance à venir doit être évitée. »
- YS II-38 : « Une bonne énergie de vie apparaît chez celui qui pratique la modération. »
- YS II-43 : « La discipline de vie (tapas) purifie le corps et les sens. »
- YS II-47 : « la justesse de la posture naît de la pacification et de la contemplation de l’infini. »
Les symptômes liés aux déséquilibres (YS I-31) sont la souffrance, l’angoisse, la nervosité et une respiration irrégulière. Le premier remède (YS I-32) est de se concentrer sur un seul principe à la fois. Les autres remèdes concernent la stabilisation du mental par l’ensemble des pratiques yogiques.
Le maître Acharya Neeraj Yogi, yogathérapeute, rappelle que de nombreuses maladies trouvent leur origine dans une mauvaise connexion avec notre âme, lorsque nous perdons le lien avec la conscience universelle et la foi (YS I-20 à 23). L’âme est alors perçue comme une source d’énergie infinie nourrissant tous les autres niveaux de l’être.
Des témoignages modernes, comme le livre Revenue guérie de l’au-delà d’Anita Moorjani, vont dans ce sens et soulignent la puissance des niveaux supérieurs de conscience dans les processus de guérison.
Au-delà des postures, du souffle, de la relaxation, de la méditation et de l’étude des Yoga Sutra (notamment yama et niyama), la yogathérapie intègre largement les sons et les mantra. Leurs vibrations touchent le cœur et les racines spirituelles : du son primordial OM, aux bija mantra (sons racines) jusqu’aux mantra porteurs de sens. Cette science des sons (nada yoga) agit sur la circulation de l’énergie dans les nadi. L’univers tout entier est un océan de vibrations et chaque être humain baigne dans son propre champ vibratoire.
Krishnamacharya et la yogathérapie
Krishnamacharya, maître de yoga et thérapeute éclairé, fut d’une acuité exceptionnelle dans l’observation et l’accompagnement des personnes. Il a su transmettre ses intuitions et compétences, en insistant sur l’importance d’adapter la pratique aux femmes. À l’âge de 16 ans, il redécouvrit en état de vision le Yogarahasya de Nathamuni, un texte donnant une place particulière aux femmes et détaillant des pratiques thérapeutiques précises.
La démarche en yogathérapie
Le patient, acteur central de sa guérison, s’engage activement dans le processus à travers une pratique adaptée, réévaluée régulièrement, et un lien de confiance avec le yogathérapeute. Cela lui permet d’acquérir autonomie et meilleure connaissance de soi (svadhyaya), tout en transformant sa perception et sa relation à lui-même.
La yogathérapie s’inscrit en complément des approches médicales – ayurvédiques, allopathiques ou autres.
Déroulement type d’une séance :
- Étude de l’alimentation, du mode de vie et des habitudes. Les ajustements se font progressivement et dans le respect des possibilités du patient.
- Identification des particularités et déséquilibres, sans jugement ni projection, pour approcher la cause des symptômes.
- Observation de la personne : entretien, postures simples, respiration. Cela révèle souvent des indices sur les obstacles à lever ou les pratiques à éviter.
- Définition d’un objectif thérapeutique unique, clair et atteignable.
- Mise en place d’une pratique simple, concise, tracée par écrit et expliquée afin que le patient puisse se l’approprier.
- Partage du ressenti en fin de séance.
- Mise en place d’un suivi régulier d’ajustement pour favoriser l’évolution positive.
Exemple clinique
Un adolescent de 15 ans souffrait depuis l’enfance d’énurésie nocturne, accompagnée de cauchemars récurrents et de troubles de l’élocution (liés à des sphincters annaux et buccaux perturbés). Ces difficultés engendraient des tensions familiales et sociales.
Une pratique quotidienne fut mise en place : bains de siège froids, kapalabhati suivi de uddiyana bandha, puis maha bandha progressivement. Postures : navasana, shalabhasana et marjariasana (avec suspension poumons vides et mula bandha). Ajout de chants de mantra avant le sommeil. Résultats : amélioration en un mois, guérison quasi complète en sept mois. Lors de rares rechutes, la reprise de maha bandha ou mula bandha suffisait. Avec la confiance retrouvée, les troubles de l’élocution diminuèrent et la vie familiale s’améliora.
Références
- N. Chandrasekaran, Yogathérapie, formation pratique, tomes 1 et 2, Éd. Agamat. Médecin allopathe, formé au KYM depuis 1990, fondateur de la Yoga Vaidya Śāla à Chennai, yogathérapeute reconnu internationalement.