Comprendre l’auto-immunité : Quand le corps s’attaque lui-même
C'est un équilibre délicat d’une grande subtilité comme les nombreux autres mécanismes que l’évolution a su créer et crée constamment.
Dans les stages de yoga, je rencontre souvent des personnes passionnées par le dialogue continu entre leur mental et leur corps et les dysfonctionnements qui peuvent conduire à des souffrances et/ou pathologies. Une interrogation fréquente concerne les maladies inflammatoires ou auto-immunes (en fait ce sont les mêmes concepts ). Ces pathologies sont le plus souvent considérées par le corps médical comme des anomalies majeures.
Mais l’auto-immunité bien contrôlée est essentielle à notre défense de l’organisme et au nettoyage de notre corps (élimination des cellules lésées, vieillissantes, pré-cancéreuses). Et c’est le dérèglement de son contrôle qui conduit aux maladies auto-immunes.
D’ou l’importance d’en prendre conscience et surtout de percevoir que nous avons dans nos mains une bonne partie de la solution : faire silence avec notre mental, contrôle de notre alimentation, de l’exposition aux multiples produits toxiques, …
Ayant rédigé cet été 2025 une synthèse approfondie des données récentes sur ces pathologies auto-immunes, Yosoli m’a suggéré d’en faire une synthèse courte “grand public” que je vous livre ci-dessous.
Comprendre l’auto-immunité : quand le corps s’attaque lui-même
Notre corps est un château fort, et le système immunitaire en est la garde rapprochée. Son rôle principal est de nous protéger des envahisseurs (virus, bactéries, parasites) tout en épargnant nos propres cellules. C’est ce qu’on appelle la “tolérance immunitaire”. Mais parfois, cette garde se trompe de cible et se retourne contre nous. C’est ce qui se passe dans les maladies auto-immunes.
Imaginez une armée de soldats (nos cellules immunitaires) qui apprend à reconnaître les amis (nos propres cellules) et les ennemis (les microbes). Cette éducation se fait dans des “écoles” spéciales : le thymus pour les “soldats lymphocytes T” et la moelle osseuse pour les “soldats lymphocytes B”. Normalement, les soldats qui risquent d’attaquer les amis (appelons les soldats auto-immuns) sont éliminés.
Mais ce contrôle n’est jamais parfait et seuls les soldats fortement auto-immuns sont éliminés. Pourquoi ?
1. Parce que si l’on éliminait tous les soldats qui attaquent les microbes qui présentent une petite ressemblance avec nos propres cellules (appelons les « soldats faiblement auto-immuns »), notre armée serait trop faible pour combattre efficacement les vrais ennemis, qui parfois se déguisent un peu comme nous. Prenons conscience que les microbes sont les premiers organismes vivants, que nous provenons de microbes, et que l’être humain s’est développé grâce et en symbiose avec eux. C’est pourquoi nos cellules partagent beaucoup de molécules proches de celles des microbes.
2. De plus, ces « soldats faiblement auto-immuns » sont très utiles dans la vie de tous les jours. Ils nous permettent d’éliminer nos cellules vieillissantes, en mauvaise état, voir les cellules pré-cancéreuses.
3. Pour que ces « soldats faiblement auto-immuns » ne dérapent pas, ils sont étroitement contrôlés par des surveillants (les lymphocytes T régulateurs) qui les ramènent dans le droit chemin : assurer leurs fonctions bénéfiques sans s’attaquer à nos cellules saines.
C’est un équilibre délicat d’une grande subtilité comme les nombreux autres mécanismes que l’évolution a su créer et crée constamment.
Comment l’erreur se produit : Les déclencheurs de l’auto-immunité
Les maladies auto-immunes comme la polyarthrite rhumatoïde (qui attaque les articulations), le lupus (qui peut toucher de nombreux organes) ou la maladie de Crohn (qui enflamme l’intestin) n’apparaissent pas du jour au lendemain. Elles sont souvent le résultat d’une combinaison de facteurs :
- L’inflammation : le terrain propice. Quand notre corps subit une infection ou une blessure, il y a de l’inflammation. C’est une réaction normale pour éliminer les menaces et réparer les tissus. Mais si cette inflammation est trop forte, dure trop longtemps, ou se produit sans raison claire (par exemple, avec le vieillissement), elle peut semer la confusion. Des cellules de l’immunité appelées “sentinelles”, qui surveillent en permanence tout entrée de microbes dans notre organisme, s’activent de manière excessive et présentent nos propres “fragments” de cellules comme s’ils étaient des ennemis. C’est comme si l’alarme du château sonnait sans arrêt, même pour un chat qui passe !
- Les “soldats” qui dérapent : Lymphocytes T et B. Sous l’effet de cette inflammation, certains de nos “soldats faiblement auto-immuns” (les lymphocytes T et B) qui avaient été tolérés parce qu’ils ne réagissaient que faiblement à nos propres cellules, commencent à s’activer.
- Les soldats lymphocytes B se mettent à fabriquer des “armes” appelées auto-anticorps. Ces auto-anticorps, au lieu de cibler les microbes, se fixent sur nos propres tissus et les endommagent.
- Les soldats lymphocytes T se mettent à attaquer directement nos cellules, ou à donner des ordres pour que d’autres cellules le fassent.
- L’effet boule de neige. Au début, l’attaque peut être limitée à une petite partie du corps ou à un type de cellule. Mais cette première attaque endommage les tissus, libérant de nouveaux “fragments” de nos cellules. Ces nouveaux fragments, jamais vus auparavant par le système immunitaire, sont à leur tour pris pour des ennemis. C’est l’effet boule de neige : l’attaque s’étend, de plus en plus de “soldats” sont activés contre de nouvelles cibles, et la maladie devient plus sévère et plus difficile à contrôler.
Des exemples concrets : Quand l’histoire et la science se rencontrent
L’histoire de la peste et de nos gènes protecteurs : Il y a des siècles, notamment au XIV e siècle, la peste noire a ravagé l’Europe. Ceux qui ont survécu avaient souvent des versions spécifiques de gènes particuliers, notamment un gène appelé ERAP2. Ce gène aide notre corps à “découper” les fragments de microbes pour que nos “soldats T” les reconnaissent mieux et les éliminent. Avoir une version spécifique de ce gène était un avantage énorme pour survivre à la peste. Mais il y a un revers à la médaille : cette même version du gène ERAP2, si elle nous protégeait de la peste, peut aussi augmenter notre risque de développer des maladies auto-immunes aujourd’hui, comme la maladie de Crohn ou la polyarthrite rhumatoïde. Pourquoi ? Parce que cette capacité à mieux “découper” les fragements de microbes peut aussi, dans certains cas, entraîner une meilleure présentation de nos propres “fragments” de cellules, ce qui peut déclencher une auto-immunité. C’est un compromis que l’évolution a fait : un avantage pour survivre à une menace mortelle à l’époque, mais un risque accru pour d’autres maladies aujourd’hui.
Le COVID-19 et les anticorps “traîtres” (anti-interférons) : Plus récemment, la pandémie de COVID-19 nous a montré un autre exemple fascinant. Certains patients atteints de formes graves de COVID-19 développaient des anticorps contre leur propre système d’alarme et d’élimination immédiate du virus, les “interférons de type I”. Les interférons sont des protéines essentielles, de véritables “signaux d’alarme” que notre corps produit très tôt pour combattre les virus. Ils disent aux cellules voisines de se préparer à l’attaque et d’empêcher le virus de se multiplier. Mais chez ces patients, les anticorps “traîtres” neutralisaient ces interférons. Résultat : le virus pouvait se multiplier sans entrave au début de l’infection. Et paradoxalement, cette faiblesse initiale entraînait une réaction immunitaire encore plus violente et désordonnée par la suite, une “tempête inflammatoire de cytokines” qui causait des dégâts majeurs aux poumons et à d’autres organes. C’est un exemple dramatique de la façon dont une auto-immunité peut non seulement causer une maladie, mais aussi aggraver une infection.
Le rôle du microbiote : nos colocataires invisibles
Dans notre intestin, nous hébergeons plus de dix mille milliards de bactéries, de virus et de champignons : c’est notre microbiote. C’est un véritable écosystème qui joue un rôle crucial pour notre santé, y compris notre système immunitaire. Un microbiote équilibré nous aide à maintenir la tolérance immunitaire. Mais si cet équilibre est perturbé (ce qu’on appelle la “dysbiose”), certaines bactéries “moins amicales” peuvent proliférer. Elles peuvent alors envoyer des signaux d’alarme constants à notre système immunitaire, ou même avoir des “fragments” qui ressemblent à nos propres cellules. Ce qui peut activer nos « soldats” faiblement auto-immuns » et contribuer au développement de maladies auto-immunes, notamment celles qui touchent l’intestin comme la maladie de Crohn.
En conclusion
Les maladies auto-immunes sont complexes, résultant d’un mélange de l’évolution, de notre héritage génétique, de notre environnement et de la façon dont notre système immunitaire réagit aux agressions. Comprendre ces mécanismes, de l’inflammation initiale à l’effet boule de neige et aux rôles du microbiote et des auto-anticorps inattendus, est essentiel pour nous aider à maîtriser nous-mêmes ces mécanismes, pour ques chercheurs trouvent de nouvelles stratégies pour “rééduquer” notre système immunitaire et lui apprendre à redevenir notre meilleur allié.