ART ET SPIRITUALITE, Jane Roberts-Sauné
Jane Roberts-Sauné
En réfléchissant sur le thème « Art et Spiritualité », ma première réaction a été : « Comment définir la spiritualité ? », et dans un deuxième temps, « En quoi la spiritualité participe-t-elle à l’art ? ». Ou vice-versa ? La spiritualité, cette partie en nous qui cherche à s’élever au-delà de notre condition de simple mortel, serait une recherche vécue de dépassement de soi. Elle ferait partie de notre ADN en somme…
L’expression artistique serait un véhicule pour exprimer cette quête parfois non-verbale, participant par le corps et les sens au partage d’un état enrichi, vivant et d’une grande justesse. L’artiste, approfondissant son expression artistique : danse, musique, peinture, sculpture, poésie, etc… puise au plus profond de lui-même jusqu’à perdre la notion de soi. Les sens en éveil se renversant, laissent place à un jaillissement. Quelque chose s’éveille, émerge, s’exprime. Il devient comme un messager subliminal surgi d’on ne sait où, et l’on est emporté par une émotion toute inattendue et nourrissante.
Cette quête, chacun définit la sienne. Certains, inspirés, ont un très grand talent, un don. D’autres poursuivent leur quête selon leurs possibilités cherchant ce chemin libérateur qui doit obligatoirement s’incarner.
En guise d’illustration je peux parler de ma propre démarche, bien que je ne me considère pas comme une artiste ! Mais le long chemin d’apprentissage qui est le mien en tant que violoniste (largement autodidacte), semble devenir une possibilité de voie vers une réalisation de soi. Au tout début, plutôt un chemin de croix !! Des gestes désordonnés cherchent la direction pour arriver à reproduire des sons et des rythmes annotés en symboles et interprétés par les yeux, les oreilles, le cerveau … Le bras droit qui tire et qui pousse l’archet, la main gauche qui pose les doigts sur les cordes, ni trop fort ni trop faible, à leur juste place et pas un millimètre d’écart, avec finesse ou verve donnant l’impression d’avoir les yeux au bout des doigts. L’écoute de plus en plus fine est le seul moyen pour épurer les gestes et donner corps et couleur au discours sonore. Qui est aux commandes ? On doit abandonner le bras de fer – de la tête aux pieds !
Réaliser que les doigts sont reliés à son centre, à ses pieds…à son axe et son souffle…et que côté droit et côté gauche doivent s’entendre. On prend conscience de cet ancrage paisible nécessaire à un envol, conscience d’un espace ressenti intérieur qui doit céder sa trop forte volonté et se laisser porter. Le « moi » doit en quelque sorte apprendre à laisser place …On guette chaque instant pour mieux écouter la précision, la justesse, les durées ou les volumes, le grain, en laissant exprimer une palette fournie d’émotions par un son pur… Une coordination parfaite entre les doigts sur les cordes du violon et l’archet dont la main magicienne, balayant largement ou touchant à peine par des mouvements invisibles, puise une expression venu des profondeurs. Tous ces paramètres peuvent sembler fastidieux, mais c’est plutôt le tremplin vers l’abandon qui permet la naissance de ce fleuve sonore vibrant, comme si le son coulait au fond de son coeur, et le violon vibrant transmettant ses ondes par les os, crée un pont entre la musique en soi, l’instrument et l’extérieur.
Comment faire sortir un discours fluide et parfait comme une évidence ? Ou plutôt, comment ne pas entraver cette subtile matière créatrice et vivante ? Oui, subtile et on ne peut plus éphémère ! Des années de travail et de recherche inlassable pour que la musique puisse « s’incarner » pour une courte, très courte vie avant de se dissiper vers le silence. Si en passant dans ce monde elle a pu amener un moment de joie, de beauté, ou d’élévation aux autres, ce ne sera pas peine perdue.
Mon cheminement personnel sur le sentier du yoga permet aux deux démarches, yoga et violon de s’enrichir mutuellement.