Le filet d’Indra

Le filet tisse une trame infinie, la toile de l’univers, le socle commun à tous les joyaux. Chaque joyau reflète tous les autres, illustrant que toute existence est interdépendante et que rien n'existe de manière isolée.

Un partage avec Lucile et Ludovic
Lucile et Ludovic

Le filet d’Indra

Très loin dans la demeure céleste du Grand Dieu Indra,
se trouve un filet merveilleux, accroché par des artisans ingénieux
de telle sorte qu’il s’étend à l’infini dans toutes les directions.

Conformément aux goûts prodigues des dieux,
l’artisan a suspendu un joyau unique et étincelant à chaque nœud du filet
et de même que le filet lui-même est infini en dimension,
les joyaux sont infinis en nombre.

Là, pendent les joyaux, étincelants comme des étoiles de première grandeur,
une vision merveilleuse à percevoir.

Si maintenant nous sélectionnons arbitrairement l’un de ces joyaux
pour l’examiner et l’observer avec attention,
nous découvrirons que sur sa surface brillante
se reflètent tous les autres joyaux de la toile, infinis en nombre.

Et non seulement cela, mais chacun des joyaux réfléchi dans ce joyau singulier
reflète également tous les autres
de telle sorte que le processus de réflexion est infini.

Extrait de l’Avatamsaka sūtra ou sūtra de la guirlande de Lotus

Ce sūtra constitue la base des écoles bouddhiques chinoise Huayan et japonaise Kegon. Je l’ai découvert en lisant avec ma fille le roman jeunesse « L’école des Chats » de KIM Jin-kyeong, un clin d’œil me rappelant que l’enseignement est au cœur de la vie.

Lucile

Lucile m’a présenté ce texte qui m’a beaucoup touché et nous avons décidé d’écrire et de vous partager nos points de vues avec notre regard yogique.

Ludovic

Indra est un dieu commun aux traditions Hindou et Bouddhiste. Son origine vient de l’inde ancienne, le bouddhisme l’a assimilé en faisant évoluer ses attributs et ses fonctions. Dans la Bhagavad Gītā, Indra est le père d’Arjuna.

Au-delà d’une histoire inventée, les mythes cherchent à comprendre et à expliquer le monde et son origine. Sa construction imaginaire permet de transmettre des savoirs à travers des symboles, en palliant les limites du rationnel. Le mythe traverse les générations et les fédère, il agit en réseau d’images, d’histoires et de légende partagées par des milliers de personnes, tel le filet d’Indra.

Le joyau étincelant

Précieux, unique, le joyau est lumière.

Le mot joyau représente quelque chose de précieux, de grandeur valeur.

Il est étincelant, possède sa propre singularité, il est parfait tel qu’il est.

Il a été placé soigneusement à chaque intersection du filet, conformément aux goûts prodiges des dieux. Les dieux incarnent des forces qui préserve l’ordre universel pour que les êtres puissent évoluer vers la libération. Chacun est à sa place et le potentiel de réalisation est dans le cœur de chacun. Indispensable au projet commun de l’univers.

Le joyau est la Conscience, le Soi, rien n’a plus d’importance que le Soi !

Dans l’expérience de la vie, l’humain est dans la confusion (avidyā), de cette confusion naît l’identification au personnage (asmitā). Et nous vivons séparés à partir du personnage en oubliant l’éclat du joyau.

Cette conscience invite à transcender la dualité source de méprise, d’aveuglement et de limitation (bien/mal, soi/autrui…).

La dualité étant dépassée, la volonté que les choses soient différentes disparaît.

« Ce morceau de caillou peut vous paraître insignifiant, mais son existence même relève de la magie la plus merveilleuse. » – L’école des chats, intégrale tome 1.

Les autres joyaux

Comme la démarche du yoga, ce texte nous invite à une observation attentive du joyau, afin de redécouvrir son éclat et de voir sur sa surface brillante le reflet parfait et infini de tous les autres. Cet enseignement se retrouve également dans l’extrait du śloka 29 du chapitre 6 de la Bhagavad Gītā : « Voir le soi dans tous les êtres et voir tous les êtres dans le soi ».

Dans l’expérience de la vie, le sentiment d’être un individu séparé des autres et du monde prédomine. Le sens du mot « individu » aujourd’hui représente cette séparation, alors que son sens étymologique signifie : in « non », dividere « diviser, séparer », dans le sens où l’individu est indivisible, inséparable des autres et du monde. Chaque individu a un besoin fondamental de lien social, de partage, d’interaction et d’appartenance avec les autres.

Ce discernement permet de retrouver l’éclat du joyau et de réaliser le filet qui le traverse et le dépasse, comme il dépasse et traverse tous les autres joyaux.

Le filet « lunité des joyaux »

Le filet tisse une trame infinie, la toile de l’univers, le socle commun à tous les joyaux. Chaque joyau reflète tous les autres, illustrant que toute existence est interdépendante et que rien n’existe de manière isolée. Le microcosme (le joyau) contient le macrocosme (le filet et les autres joyaux). Chaque joyau contient l’univers entier.

Le filet s’étend sans limite, évoquant l’immensité de l’univers, l’infinité des interconnections et la nature infinie de la Réalité. Cette diversité n’est que le reflet de l’unité.

Cette conscience dissout l’identification au personnage et laisse place à un sentiment de félicité, une vision merveilleuse à percevoir : l’unité de toute chose.

Dans l’expérience de la vie, l’unité se cherche sans que nous en soyons toujours conscients, au travers de chaque action (relations, quête d’argent, recherche d’amour, Bṛhadāraṇyaka Upaniṣad « l’Amour de l’Un pour l’Un »…).

Ce texte ne mentionne pas de pratiques particulières, il est un état de fait. La construction, somptueuse, est établie sur des principes divins de beauté, d’éclats et d’harmonie. Une création intemporelle jaillissant de l’Unité.

Au-delà des apparences, toutes les approches pointent vers l’unité.

L’unité n’a pas de forme, ni de caractères, ni d’attributs, elle est la source de la diversité de toutes formes. Elle est indescriptible, dépasse l’entendement, elle est au-delà de tout.

Les sages tentent de l’exprimer en terme d’Amour, de Conscience, de félicité, de paix… 

La Tradition indienne l’exprime au travers d’une célèbre formule «  SAT CIT ÂNANDA », «  être – conscience – félicité » qui décrit la nature ultime de la réalité absolue et la nature du Soi individuel.

Advaita vedanta : Comme l’océan et ses vagues sont inséparables, le Soi et les êtres ne font qu’un. Elles naissent de l’océan, paraissent distinctes, puis se dissolvent en lui. De même, les êtres émergent du Soi, semblent séparés à cause de l’individualité, mais ne font qu’un avec lui.


Le cube de Métatron (image issue du site significations-symboles)

Le cube de Métatron (image issue du site significations-symboles).

Je te trouve maintenant, dans l’éternel présent.
Le cours du monde est intégré, harmonisé.
Faire un avec ce qui est, avec le flux naturel de la vie.

Dans l’unité, la joie inonde le cœur !

Ludovic

Ce qui me touche dans ce texte, c’est tout ce qui n’est pas dit : la beauté, l’amour, la force de vie, le souffle, la présence infinie et divine. L’évidence de l’unité au-delà de toutes les cases qui cherchent à la définir, hindouistes, bouddhistes, ésotériques. La Source Unique de création. Elle touche à la structure même de ce qui me compose et qui compose tout ce qui existe.

J’y perçois l’Amour créateur.

Lucile