Quand le monde se met à tourner. V. Grace
Retour de stage : La giration. Par Victoria Grace. Quand le monde se met à tourner
Au mois de décembre, j’ai eu la chance de participer au stage de François et Josselyne Lorin qui a eu lieu chez Geneviève Pary près de Montpellier. Le thème du stage « De moi à soi, même pas un pas », a suscité des échanges riches dont certains éléments se retrouvent dans le texte qui suit :
• La description du basculement de moi à soi (éveil) comme une révolution ;
• L’idée que nous ne sommes pas le personnage principal (moi) de notre propre spectacle mais son spectateur (soi) ;
• La manifestation de soi en chaque être comme une expression de couleurs diverses et variées.
Pendant le stage, nous avons pratiqué la giration, inspirée des derviches soufis. A ma grande surprise, cette expérience égayante est devenue transcendante quand le monde s’est mis à tourner autour de moi…
Quand le monde se met à tourner
Lors d’un stage dont l’un ne ressemble jamais à un autre, la giration nous est proposée par nos deux révolutionnaires dans l’âme.
Consignes faites et appréhensions surmontées, les tourneurs et spectateurs prennent chacun leur place. Pour ce premier tour, je joue le rôle de spectatrice.
Avec un mélange de crainte et d’excitation, nos trois danseuses ferment les yeux et s’apprêtent à tourner. La musique signale le départ et dans un mouvement circulaire, elles se lancent dans un sens ou dans l’autre, bras ouverts pour accueillir cet instant présent, cet instant précieux.
Trois vitesses, trois intensités, trois couleurs. Trois manifestations de l’être se profilent devant mes yeux. Je me sens émerveillée par la multiple expression de la création.
Les rythmes s’intensifient… Entendant l’appel, la danseuse du milieu lève ses bras, mains ouvertes vers le ciel, comme une invitation au Divin de venir danser avec elle. Seul son sourire révèle Sa présence dans ce tournoiement de couleurs.
La beauté de la scène réveille une immense joie en moi, faisant remonter des larmes qui coulent sans entrave devant cette splendeur. Jamais je n’aurais imaginé qu’un simple spectacle puisse susciter tant d’émotions, peut-être témoin de l’ouverture de mon cœur.
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A son tour, le spectacle arrive à sa fin. Nul besoin d’applaudissements puisque la fin pour les uns s’annonce comme le début pour les autres.
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Les yeux clos, je me recentre dans ce moment éternel. La douceur d’une flûte me berce et je balance en anticipation de la tornade imminente. La tension monte et, pris par peur ou par excitation, mon cœur bat fort comme un prélude aux tambours sur le point de résonner.
Ensuite, les rythmes partent et me donnent l’impulsion à droite. Que la danse avec l’univers commence ! Les pieds trouvent vite leurs pas circulaires et les bras s’élèvent à l’horizontal comme un oiseau prêt à s’envoler.
Je tourne, je tourne.
La tête légèrement penchée, un bras décalé de l’autre : le moindre déséquilibre me fait perdre toute stabilité. Pour ne pas perdre contrôle, le corps reste redressé et les bras tendus.
Je tourne, je tourne.
La crispation des épaules me force à bouger. Ouvre-toi, ouvre-toi, j’entends. Les mains se tournent vers le haut, puis vers le bas et encore vers le haut. L’envie de jouer s’amplifie et les mouvements se décalent. Une main vers le ciel, l’autre vers la terre, et puis l’inverse à un rythme toujours plus soutenu.
Je tourne, je tourne.
La musique s’accélère. Animée par le souvenir de l’autre danseuse, je supplie le Divin de venir danser avec moi. Les deux bras s’élèvent à la verticale, tirés vers le domaine céleste. Un axe vertical me traverse subitement comme un éclair et m’ancre à la terre. A ce moment-là, tout bascule (la révolution tant attendue a-t-elle lieu ?). Les pieds bougent encore mais je ne tourne plus. C’est le monde qui se met à tourner autour de moi.
Il tourne, il tourne.
L’espace se transforme. Les limites du corps s’étendent comme si j’étais dorénavant englobée par une sphère du diamètre de mes bras. Suis-je devenue un astre gravitant dans l’univers ? Ce globe pivote sur son axe et en son centre, je danse librement sans aucun sentiment de déséquilibre.
Il tourne, il tourne.
En symbiose avec la musique, les bras virevoltent dans tous les sens. Le mouvement et le son ne font désormais qu’un. Par ces grands gestes, je m’efforce d’exprimer l’exubérance qui déborde de mon cœur mais en vain, car elle transcende déjà l’écorce physique.
Il tourne, il tourne.
Ralentissement. Retour sur terre. Le monde continue à tourner et puis il s’arrête.
Le mien prend le relai.
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Au milieu des pins, dans la maison des révolutions (chez Geneviève) se jouent des choses merveilleuses et extraordinaires. L’improbable devient possible. L’inimaginable devient réalité.
Qu’il s’agisse d’être le spectateur ou l’acteur de son propre spectacle, la splendeur de l’être ne cesse de se révéler.