Yoga au rythme des saisons : se mettre à l’écoute de l’hiver. N. Begny
Alors que le rouge vif, l’orange et l’or de l’automne nous ont fait leurs adieux, nous nous installons doucement dans la saison la plus froide, la plus sombre mais aussi la plus confortable de l’année : l’hiver.
Où que nous soyons dans le monde, lorsque l’hiver arrive, il est temps de réévaluer notre façon de vivre et d’apporter de petits changements simples pour être en harmonie avec ce que cette saison exige. Vivre au rythme des saisons peut nous aider à maintenir notre dynamisme et notre santé tout au long de l’année ; c’est l’une des pratiques les plus anciennes, les plus intuitives et les plus naturelles que nous puissions adopter.
Depuis la nuit des temps, les êtres humains se sont alignés avec l’énergie des saisons en adaptant leurs activités, leurs interactions sociales et professionnels, leurs alimentations.
L’Hiver : un retour à l’essentiel.
L’hiver est la saison où la nature et l’organisme se mettent au repos, période où tout se referme et se cache. Les animaux hibernent et les arbres ramènent leur énergie dans leurs racines. Les journées courtes et l’ensoleillement faible ont fait descendre les températures et, à ce propos, les paysans disent qu’un hiver froid est bienfaisant, car la Nature se régénère mieux. Elle sommeille, se replie dans la terre afin de dépenser le moins d’énergie possible jusqu’à l’arrivée du printemps et celui-ci ne pourra se déployer que s’il y a eu retrait et préparation. Cela ne signifie pas que l’énergie soit moindre, elle est simplement ramassée sur elle-même.
Durant l’hiver, nous sommes invités à rester à l’intérieur de nos maisons, à nous maintenir au chaud, faire des réserves et ralentir nos activités. C’est aussi une période propice à l’introspection, à l’intériorisation, l’occasion d’intégrer avec sagesse les leçons du passé et de regarder avec clarté ce que nous souhaitons au cycle prochain.
A. L’hiver selon la médecine traditionnelle chinoise : les bienfaits de l’énergie Yin
En médecine chinoise, l’Hiver est la période du Grand Yin qui doit être dédiée au repos, à la récupération, pour stocker l’énergie nécessaire pour la nouvelle année qui s’annonce. La nature est un exemple qu’il est judicieux d’observer : les animaux hibernent, la terre est infertile, les végétaux se mettent au ralenti. Le Yin c’est la lenteur, l’intériorisation, le froid et le sombre. Alors que l’été est le moment où l’énergie « yang » est à son apogée, l’hiver est tout le contraire ; c’est la saison de la récupération et du rajeunissement. C’est la saison qui invite à moins « Faire » et plus « Etre » : mettre les projets en stand-by, prévoir des congés ou des temps de repos fréquents, moins regarder les écrans, éviter les sollicitations extérieures.
L’hiver est un bon moment pour renforcer l’énergie (Qi) des Reins.
L’hiver est associé à l’Energie du Rein et l’élément Eau. Pour rappel, on ne parle pas ici des reins anatomiques mais bel et bien du Rein énergétique, qui associe en fait nos deux reins, les surrénales, et les organes uro-génitaux (vessie, urètre et organes génitaux externes). Les reins en particulier contiennent notre force vitale et nos réserves les plus profondes de Qi. Le Rein est le siège de notre Qi, notre énergie vitale, qu’il convient de protéger, tout en renforçant notre Qi acquis.
Le Qi est l’énergie qui nous donne force, immunité, longévité et vitalité. Mais lorsque nous sommes stressés ou malades, cette énergie s’épuise. En raison de leur relation étroite avec les glandes surrénales, il est important de prendre soin des reins afin de reconstituer nos niveaux d’énergie émotionnelle et physique. Le stress et l’anxiété chroniques peuvent entraîner un épuisement énergétique des glandes surrénales et une insuffisance du Qi rénal. Profitez donc de cette saison pour les ramener à la vie en les stimulant.
Comment adopter et stimuler l’énergie Yin de l’hiver
Accorder plus de temps à notre esprit pour simplement « Etre » en nous adonnant à des activités qui favorisent le calme, la détente : se promener dans la nature, lire, jouer ou écouter de la musique douce. C’est aussi un bon moment pour l’intériorisation, l’introspection par la méditation, l’écriture ou des pratiques de stimulation douce de l’énergie comme le Yoga ou le Qi Gong. Des pratiques qui aident à nous connecter à notre « être intérieur », à notre intuition, à harmoniser nos émotions et élever l’Esprit.
Adopter l’énergie « yin » de l’hiver c’est diminuer ou adapter ses activités, prendre soin de soi, s’économiser en ayant un rythme de vie plus lent. Le repos est important pour revitaliser et stimuler le Qi des Reins et des glandes surrénales.
Quelques conseils pour équilibrer l’élément Eau durant l’hiver :
- Ecouter ses besoins en matière de repos.
- Protéger le corps du froid, Durant les mois les plus froids, il nous faut conserver l’énergie Yang. S’habiller chaudement et rester au chaud. Les zones qui doivent rester protégées sont les pieds (les voûtes plantaires sont le départ du méridien du rein), le bas du dos (lieu du corps où le Qi du Rein est concentré) et l’arrière du cou (zone où le Yang émerge du corps).
- Manger que des aliments cuits et chauds. Réduire ou éviter les aliments crus, froids ou glacés Selon la médecine traditionnelle chinoise la consommation excessive de ces aliments affaiblit la digestion et l’énergie vitale du corps (le Qi) et augmente l’humidité dans le corps.
- Manger davantage d’aliments de couleur sombre. La couleur noire est associée aux reins et la saveur est salée. Les aliments qui vont aider à tonifier les reins sont toutes les variétés de haricots noirs, rouges ou les haricots azuki, les légumes verts à large feuille, les algues, les soupes miso, les champignons, le tofu, les noix, les graines de sésame, les myrtilles. Cuisiner régulièrement des légumes racines, utiliser pour agrémenter vos plats des épices et graines aux propriétés réchauffantes comme la cannelle, sésame noir, graine de carvi, clou de girofle, poivre de Sichuan, anis étoilé, pistaches, noix de cajou, noix, châtaignes. Buvez chaud, soupes, thés, tisanes.
- Prendre le temps de se reposer.
- Se faire des massages : Stimuler le Rein en donnant des percussions souples dans le bas du dos, sous les dernières côtes, avec les poings. Puis se masser énergiquement les lombaires et, en se faisant aider, le long de la colonne vertébrale jusqu’au sacrum.
Bien garder les lombaires au chaud en toutes circonstances ; se couvrir suffisamment, utiliser une bouillote.
B. L’hiver selon l’Ayurvéda : saison de Kapha dosha
Les sages védiques comprenaient que les grands rythmes et les forces de la nature – l’alternance du jour et de la nuit, le cycle rythmique des saisons – nous affectent tous, tout comme les saisons et les cycles de la vie humaine. Être en harmonie avec la nature, estimaient-ils, signifie également être en harmonie avec sa constitution individuelle, ou prakruti, qui comprend trois énergies subtiles appelées Dosha : vata dosha, l’énergie du mouvement ; pitta dosha, l’énergie de la digestion ou du métabolisme ; et kapha dosha, l’énergie de la lubrification et de la structure.
Les saisons, comme notre prakruti, sont caractérisées par les cycles de vata, pitta et kapha. Rester en bonne santé toute l’année, c’est vivre en harmonie avec ces cycles naturels, en s’adaptant aux changements de notre environnement par le biais de notre alimentation, du type et de la quantité d’exercices que nous effectuons, des herbes que nous ingérons, etc. Bien que nous ne puissions pas contrôler le temps qu’il fait, nous pouvons contrôler ces facteurs, qui renforcent notre santé, notre vitalité et notre résistance aux maladies, ou nous épuisent.
Les propriétés climatiques de l’Hiver sont de nature Kapha. C’est le Dosha sur lequel nous allons agir, afin de contrer ses excès, car même sans être de constitution Kapha, nous sommes sous son influence en cette saison.
Rappelons qu’en automne, les qualités de Vata – sec, léger, froid, rugueux, subtil, mobile – étaient exacerbées. Elles le sont encore en hiver, lorsque le temps est beau, froid, sec et venteux. Pitta, lui, se trouve pacifié par le froid.
En hiver, le ciel est souvent nuageux et gris, le temps est froid, humide et lourd, et la vie, même dans les villes, se déroule plus lentement. Bienvenue dans la saison de kapha. Lorsqu’il est équilibré, kapha apporte force, vigueur et stabilité au corps et à l’esprit. Cette énergie subtile est responsable de la lubrification des articulations, de l’hydratation de la peau et du maintien de l’immunité. Mais en excès, elle peut entraîner une paresse, des maladies liées au mucus, un excès de poids et des émotions perturbatrices telles que l’attachement, l’envie et la cupidité.
Comprendre l’action de Kapha dosha et prévenir ses déséquilibres.
En hiver, l’être humain lutte contre le froid et son inconfort. Il a tendance à se calfeu-trer à l’intérieur, loin des stimuli, et, de ce fait, il bouge moins. On associe souvent l’hiver à la fin de vie et à la mort. C’est une saison pendant laquelle on peut se sen- tir plus vulnérable. Il s’opère un véritable retour sur soi.
Quels sont les symptômes d’aggravation de Kapha ?
On retrouve notamment les troubles digestifs, tels que nausée, lourdeur digestive, indigestion, constipation, manque d’appétit. L’accumulation des toxines digestives due à une mauvaise alimentation tend aussi à appesantir l’esprit et à ralentir la capacité de raisonnement. Lorsque Kapha dosha est en excès, il peut aussi se manifester sous forme d’affections ORL, bronchiques ou d’accumulation de mucus dans ces zones. Si l’inertie et le repos deviennent une tendance durable, une prise de poids peut survenir (rétention d’eau, graisse accumulée).
Stimulation est un mot-clé pour Kapha dosha : tout est question de dosage. En effet, l’hiver incite à ralentir le rythme. Se donner du temps de repos est une solution simple. Cependant le repos en excès aggrave Kapha et peut déboucher sur la léthargie (guna tamas), et la fatigue. Une certaine dose de dynamisme est nécessaire, pour éviter de sombrer dans l’apathie ou la dépression hivernale, pour se ressourcer efficacement.
Comment équilibrer kapha dosha en hiver ?
- Pour prévenir l’accumulation des toxines (Ama), soutenir le système immunitaire et favoriser l’élimination, la médecine ayurvédique préconise de se gratter la langue chaque matin au réveil. Prendre ensuite un verre d’eau chaude ; on peut y ajouter quelques gouttes de jus de citron pour stimuler la digestion et le transit intestinal.
Se faire ensuite un massage rapide en frottant de l’huile de sésame chaude sur tout le corps (elle est chauffante et bonne pour toutes les constitutions en hiver).
Dormir suffisamment : privilégier les bonnes nuits récupératrices. Pour se caler sur le rythme de la Nature, il est possible de dormir un peu plus longtemps le matin. - Sortir le plus souvent, prendre l’habitude de se promener, quel que soit le temps. Le froid est un profond stimulant, qui dynamise l’organisme, surtout si on marche d’un bon pas. Faire de l’exercice régulièrement, habiter son corps en choisissant une pratique à la fois douce et stimulante qui réchauffe.
- Diététique ayurvédique pour réduire une aggravation Kapha :
- manger avec modération, privilégier le cuit et le chaud, les saveurs piquant, amer, astringent, et boire chaud (eau et tisanes). La diététique Kapha est globalement riche en fruits et légumes.
- Les céréales à privilégier : quinoa, orge, maïs, sarrasin, millet ; et les légumineuses : lentilles corail, mung dal, haricots, … un peu d’oléagineux (car très riches) tels que graines de courge et tournesol. Eviter l’excès de sel et les laitages qui augmentent Kapha ; un peu de ghee et le lait de chèvre conviennent cependant. Consommer un peu d’huile : tournesol, colza, sésame, lin. Réduire les apports de sucres concentrés, car leur excès génère confusion et léthargie (lourdeur, tamas).
- Accorder une grande place aux épices : la plupart ont des propriétés digestives et chauffantes. Plusieurs d’entre elles renforcent l’Agni, stimulent le métabolisme, assèchent, expectorent le mucus et brûlent l’Ama (toxines). Elles sont idéales en cas de rhume, lenteur digestive, surpoids, asthme, humeur dépressive : fenugrec, piment de Cayenne, gingembre sec, poivre noir, Trikatu, asafœtida, graines de moutarde, cannelle, cardamome, clou de girofle, cumin, curcuma, estragon, fenouil, laurier, marjolaine, menthe, origan, persil, romarin, safran, sauge, tamarin, thym..
- La pratique de yoga pour Kapha dosha :
Contenir l’aggravation de Kapha par la pratique de yoga requiert de l’implication, car il s’agit d’engager un effort vigoureux, de réchauffer, bouger, pour dissiper l’inertie. C’est une pratique qui « brûle », élimine les impuretés. La pratique ne doit pas générer de fatigue : en effet, il ne s’agit pas de « supprimer » Kapha, ce dosha participe au développement de qualités précieuses pour l’organisme.
- Démarrer avec une série de Salutations au soleil
- Privilégier les postures debout pour l’ancrage et l’équilibre, comme Utkatasana (la chaise), Virabhadrasana (héros), vrikshasana ( l’arbre, équilibre) ;
- Les postures qui ouvrent la poitrine, la gorge et les sinus et éliminent la congestion : bhujangasana (cobra) ou shalabasana (sauterelle)
- Les postures de flexion avant pour le lâcher-prise, l’élimination : Uttanasana (flexion avant debout, pascimottanasana (la pince)
- Pranayama : kapalabathi pour stimuler l’énergie (à pratiquer le matin), nadhi shodhana (pour purifier les sinus) préconisé en hiver.
- S’accorder souvent un temps de méditation le matin et en fin de journée ; alterner avec la pratique de Trattaka (concentration par la fixation de la flamme d’une bougie) ; ou une relaxation.
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Notre idée habituelle est que l’été succède à l’hiver, la joie à la peine, le beau temps à la pluie. Ce à quoi nous invite Camus ouvre une tout autre perspective : apprendre à reconnaître, au milieu même de l’hiver, au milieu de ce qui semble glacé, sans vie, le surgissement éclatant de l’été.
Soleil, lumière, chaleur
Il existe, en chaque évènement, en chaque moment de notre vie, une dimension plus profonde.
Najia Begny