Un souffle Indien dans la vigueur du flamenco
Lucile Jouvenel
Dans la vision habituelle, le terme “flamenco” renvoie à l’Espagne, plus particulièrement à l’Andalousie, et peut-être même uniquement à une danse en robe flamboyante. Si la vision et l’ouïe s’affinent, alors l’âme peut être touchée, transportée par la richesse de cet art à travers le temps, les pays et les continents. C’est en Inde du Nord que l’on est alors transporté, vers un peuple de légendes : les tziganes. Il semblerait que « Rom » signifie « homme » en hindi.
La forme dominante de danse dans cette région est le Kathak, c’est-à-dire le fait de raconter une histoire.
Katha Kabe So Kathk : quiconque raconte une histoire en dansant et en chantant.
Racontons donc, l’histoire-légende du peuple tzigane, légende rapportée dans « Le Livre des Rois » du poète épique Iranien Ferdowsi (940-1020) et reprise par d’autres ensuite…
Le bon roi Perse (Iran actuel), Sassanide Bahram V (420-438), aurait demandé à son beau-père, souverain d’un petit royaume du nord de l’Inde, de lui envoyer des musiciens (dix mille « Luri », hommes et femmes, experts en musique, en danse et en chant) pour divertir gratuitement ses sujets les jours de fête. Braham fit distribuer à ces musiciens de quoi vivre et cultiver la terre, mais il les vit revenir affamés au bout d’un an car ils s’étaient contentés de faire de la musique sans se soucier du lendemain. Le roi, très irrité, leur ordonna de partir à travers le monde en gagnant leur vie grâce à leur art. (L’éternel dilemme entre cigales et fourmis).
Dans les faits, on sait qu’ils ont quitté le Rajasthan (Nord de l’Inde) aux environs du Xème siècle et qu’ils parlent une langue indo-européenne, proche du sanskrit. C’est le début d’une grande migration de plusieurs centaines d’années, sur plusieurs milliers de kilomètres : la traversée de l’Orient et de l’Occident.
Ce peuple prend le temps de s’imprégner des différentes cultures qu’il traverse.
Ce n’est que vers le XVème siècle qu’il arrive en Andalousie. Ces fins musiciens vont s’adapter au répertoire musical et culturel du lieu en intégrant leurs propres expériences et rythme.
C’est cette rencontre qui a contribué à donner au flamenco sa forme définitive.
Cet art aux multiples facettes, porte en lui le voyage, avec des racines et influences indiennes, égyptiennes, arabes, européennes et andalouses.
Le voyage porte en lui la quête de connaissance, la quête de soi et via le peuple tzigane, la quête de liberté avec toutes les difficultés que ces périples sous-tendent.
En 2010, le flamenco est inscrit au patrimoine immatériel de l’humanité par l’UNESCO saluant ainsi la richesse des connaissances et du savoir-faire de cet art.
Si l’origine du flamenco est sujette à controverse, notamment l’étymologie de son nom, l’influence de cette migration est indéniable. De nombreux artistes saluent cette facette indienne où se reconnaissent la complexité rythmique, le dialogue entre les instruments, la voix, la grâce de la féminité.
Gulabi Sapera surnommée la danseuse gitane du Rajhasthan :
Pépé Habichelas un grand guitariste espagnol :
Et Anoushka Shankar (la fille de Ravi Shankar) qui parle de son album Traveller
avec les chansons dont elle parle dans l’interview :
et les danses.
On peut également relever que l’équilibre du flamenco vient de l’harmonie entre trois protagonistes : la guitare, le chant et la danse qui vont toujours ensemble, l’un laissant successivement la place à l’autre puis se retrouvant ensemble, jouant, vivant, s’exprimant via le schéma rythmique tel un souffle commun.
Un art d’expression des émotions les plus profondes, des passions les plus folles.
Un art pour transcender les difficultés de la vie, la douleur, en joie et en extase.
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