LA LIBERTÉ D’ÊTRE SOI
Colette Hersnack, Regard 62
LA LIBERTÉ
« Liberté chérie », « Liberté, j’écris ton nom … »
Ce mot liberté, Paul Eluard l’écrit, on le clame, la Marseillaise invite à le chanter.
Encre coulée, voix passionnées pour dire, proclamer la liberté.
Incessants combats menés de tous les temps, sur tous les continents pour défendre un droit essentiel de la société et des individus.
Je rends hommage aux épreuves endurées, aux espoirs perdus, au sang donné des femmes et des hommes morts en son nom !
L’ESCLAVE
M’attardant au musée du Louvre, il m’arrive, aussi belle soit-elle, d’oublier la Joconde, mais mes pas me mènent à la rencontre des deux esclaves, le « rebelle » et le « mourant ou endormi » que le génie de Michel Ange rend si vivants. Le « rebelle », question de tempérament, est mon favori ; le contempler et me laisser regarder par lui, touche en moi un endroit profondément vivant et le révèle.
L’esclave me parle d’un désir de vie au-delà de l’illusion de liberté ; il me parle d’une lutte intime pour dénouer – déjouer ? – les chaînes que constituent les formes de ma vie. Contempler l’esclave rend ardente cette aspiration à une dimension qui me dépasse et que j’oublie parfois, que j’oublie trop souvent.
Même si, ici, aujourd’hui, je jouis de toutes les libertés, comment vivre libre à l’intime de mon être ?
Malgré les apparences, suis-je vraiment libre, alors que les tissages inscrits par mon histoire et par mon environnement conditionnent mes choix de vie et ma manière d’être au monde ?
Suis-je vraiment libre si je me conforme à l’image que j’ai de moi et que je donne à voir au monde ?
Suis-je libre de mes préjugés, du regard encombré que je porte sur le monde ?
Suis-je libre si je dépends pour me sentir en vie d’un réseau dans lequel se déploie les gestes de ma vie, si je suis tributaire de mon installation dans la vie ?
Libre ou esclave ?
L’ESCLAVE, LA LIBERTÉ ET LA PRATIQUE DU YOGA
Si contempler l’esclave de Michel Ange, révèle en moi un espace de liberté, la pratique du yoga réveille cet espace. Quand, ayant mis en place supports et directions à l’œuvre, sans souci de bien faire, je me laisse porter par la posture, je me donne au souffle qui l’anime, des tensions s’estompent, des relations confuses se dénouent entre telle ou telle partie de mon corps : un espace de liberté s’ouvre.
J’ai retrouvé ce matin trace d’un cours que m’a donné Peter le 1er septembre 2006 ; il proposait un bhāvanā que j’aime beaucoup et que je partage avec vous :
« À la fin de l’EX, quand tout est en place, éloigne toi pour voir de loin l’ouverture de l’IN. »
15 ans après, je l’ai à nouveau testé et le petit miracle est toujours là. En éloignant mon regard, en renonçant à contrôler le souffle, je permets à l’inspiration d’ouvrir en moi un espace de recul, un espace de liberté.
J’en témoigne ; lorsqu’il ne se limite pas à remplir l’espace, lorsqu’il ne gonfle pas, le souffle de l’inspiration ouvre de l’intérieur un espace pour que vienne au monde le profond de moi.
De cet espace, j’ai alors un autre regard sur le monde, un regard plus libre qui ne me place pas au centre du monde, ne me met pas à part du monde – « moi-je » et le monde -, mais qui m’invite à embrasser le monde.
Même si les choses de la vie me rattrapent souvent, je sais pouvoir être seule, non dans une bulle, mais seule en relation vivante avec les autres, sans rien attendre, sans projeter, sans ruminer, sans manipuler : seule et libre.
Libre parce que la Vie me dépasse, me porte et porte l’humanité.
Chaque mois, nous publions sur le site des articles ou coups de coeur précédemment parus dans notre revue Regard. Dans une clef USB, vous avez accès à 37 ans de publications de l’IFYM. Un vrai trésor…