Quand nos cerveaux se mettent sur la même longueur d’onde

B. Klein. . Une synchronicité de l’activité cérébrale s'établit entre individus vivant une même expérience, entre des enfants et leurs parents, entre un enseignant et ses élèves. Cette synchronicité participe au processus de formation, d'apprentissage, de la réprésentation conjointe de soi et d'autrui, contribue à une socialisation accrue, une synergie de créativité, une conscience partagée.

Quand nos cerveaux se mettent sur la même longueur d’onde.

Bernard Klein, mail :

Quand ma femme et moi nous promenons dans la nature, nous sommes toujours surpris qu’une même réflexion nous vienne au même moment, au gré des paysages, des sons, des odeurs, du souffle du vent. Est-ce un phénomène de pur hasard dû au croisement de la multitude des pensées qui nous traversent ? Ou peut-il y avoir une synchronicité de nos deux cerveaux ?

Dans ma carrière de chercheur, j’ai souvent constaté l’importance de réfléchir en petit groupe pour développer une créativité synergique par ricochet d’une idée à l’autre, et arriver à des concepts nouveaux, parfois inattendus.

Les professeurs de yoga proposent des ateliers à deux ou plusieurs personnes : un échange sur un mot, un thème, un dessin, un regard prolongé face à face, un toucher dos à dos.

Si, de façon intuitive, il nous semble évident que ces pratiques créent une harmonie entre les personnes, un approfondissement de soi, un bien-être, je ne connaissais pas les mécanismes cérébraux sous-jacents, jusqu’à la lecture d’un article de Lisa Barnéoud publié dans la rubrique ” Eclats de sciences ” du journal Mediapart (lisible ci-dessous avec l’autorisation de la rédaction de Mediapart). Une recherche complémentaire m’a fait découvrir d’autres articles passionnants et faciles à lire, dont celui du Pr. Guillaume Dumas, neurobiologiste à l’université de Montréal ou de Lydia Denworth, journaliste scientifique.

Ce n’est que depuis 15 ans que ces mécanismes commencent à être compris grâce au développement des techniques d’enregistrement de l’activité électrique cérébrale et d’imagerie par résonance magnétique permettant de visualiser les zones actives du cerveau. Les chercheurs ont ainsi montré que lorsque des individus sont en interaction, leurs oscillations électriques cérébrales (un indicateur des communications fonctionnelles entre différents types de neurones) se synchronisent, de même que les zones du cerveau activées. Cette synchronicité est observée aussi bien dans les espèces animales socialisées que chez l’homme.

Ainsi, une synchronicité de l’activité cérébrale s’établit entre individus vivant une même expérience, entre des enfants et leurs parents, en particulier par stimulation de l’odorat, entre un enseignant et ses élèves. Cette synchronicité participe au processus de formation, d’apprentissage, de la réprésentation conjointe de soi et d’autrui, contribue à une socialisation accrue, une synergie de créativité, une conscience partagée (voir l’article de Valencia et Froese). Elle est freinée par un état de stress. Certaines formes d’autisme pourraient être dues à une moindre synchronicité.

Un commentaire et deux questions :

1. Les découvertes récentes sur l’évolution confortent l’importance vitale de la socialisation pour le développement des espèces dans un environnement hostile, tout particulièrement de l’espèce humaine intelligente, douée d’une conscience. Dans un article récent de notre site, nous avions résumé des travaux montrant que nos ancêtres ont failli disparaître il y a 900000 ans probablement du fait d’une grande glaciation, passant de 100000 à un millier d’individus. Les chercheurs estiment que ce millier d’individus, précurseurs de l’homme moderne, a pu survivre dans des conditions climatiques très difficiles grâce à une socialisation accrue, un cerveau plus développé. Peut-être nos ancêtres ont ils développé une synchronicité accrue ou plus élaborée de leurs cerveaux pour survivre?

2. Quel peut être l’impact du changement extrêmement rapide et radical de nos modes de socialisation induit par les réseaux sociaux, les mobiles, le télétravail ? Question que je me pose quand j’observe des adolescents scotchés à vingt centimètres de leur téléphone plusieurs heures par jour, en communication avec un petit groupe de proches ou un grand nombre d’anonymes. Ce changement radical diminue-t-il les échanges directs et une réflexion synergique entre individus avec la mise en oeuvre de tous nos organes des sens : vue, ouïe, odorat, parole, toucher ? Que deviennent ces mécanismes de synchronicité essentiels à l’apprentissage, à l’intelligence collective, longuement sélectionnés par des centaines de milliers d’années d’évolution ? Une étude récente donne un début de réponse, en montrant qu’une communication par visioconférence diminue cette synchronicité comparée à une communication en présentiel.

Et maintenant voici l’article de Lisa Barnéoud, rubrique ” Eclats de sciences ” du journal Mediapart, que la rédaction a gentiment accepté de mettre à disposition de nos adhérents.